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Gérard Morel à l'Albatros
Gérard Morel

Eric Nadot Tranches de Scènes
Eric Nadot Tranches de Scènes

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Hervé Akrich


Claude Ogiz
Claude Ogiz Carpe diem


Hervé Lapalud (photo : Anne-Marie panigada)

Hervé Lapalud "La vie continue"


Théâtre de l'Albatros - 5 rue Gosser - REIMS
Théâtre de l'Albatros

Monique Morelli
Monique Morelli et les poètes


Steven Rougerie
Steven Rougerie (Oscar Matzerath)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Entretien avec Steven Rougerie,
auteur des textes, guitariste et chanteur d’Oscar Matzerath.
 

Steven Rougerie d'Oscar Matzerath

 

 

CL : D'où sortez-vous ? Qui êtes-vous ? Une affaire de famille

 

SV : Alban (batterie) et moi sommes frères. On a créé le groupe sur Rennes quand on était étudiants, avec d'autres copains. On est venu sur Paris il y a 4 ans environ et on a trouvé la formation actuelle. On était 5 avec une clarinette en plus jusqu'à il y a un an. Là on n'est plus que 4 : http://www.oscar.free.fr/legroupe.htm.:

 

CL : Pourquoi la référence au Tambour : les cris stridents ou la volonté de ne pas grandir, de refuser la folie des hommes ?

 

SV : A la base c'était le titre d'un morceau, référence au bouquin, l'idée de ne pas vouloir vivre le monde des adultes, effectivement. Quand on a commencé à monter sur scène il nous fallait un nom et on s'est dit qu'Oscar c'était pas mal. On l'a gardé, changé en Oscar Matzerath parce que d'autres groupes s'appellent Oscar. Bien sûr si on garde le nom c'est qu'on le trouve cohérent avec ce qu'on propose, il y a des liens mais bon, les expliquer...

 

CL : Moi, j'aime cette envie d'être assez atypique et j'y vois une relation avec l'Oscar !

 

SV : Oui sauf que ce n'est pas une volonté affichée de notre part de "faire atypique", on le fait à notre manière, juste, c'est-à-dire avant tout autodidacte... On ne saurait pas faire autrement.

 

CL : Quelles influences musicales ? Où est ce côté "folk" dont on parle parfois ?

 

SV : De mon côté ce serait plutôt Tom Waits, Nick Cave, 16 Horsepower, du ricain, quoi. Les autres étaient plus chanson à la base, Têtes Raides, tout ça. Quand tu parles du côté "folk", je prends ça comme "chanson à l'américaine", pour ma part. Je trouve que ça colle pas mal. Je ne me sens pas du tout proche de la chanson actuelle, ce n'est pas ma culture, même si j'aime bien certains trucs.

 

CL : Le "folk" que j'avais compris, c'était le folk de chez nous, le folk de chez vous, le folk donc breton... et je ne comprenais pas. Le côté Tom Waits, d'accord, mais c'est un peu passe-partout comme air de famille : dès qu'un mec chante avec une voix un peu rauque et dérangeante, on ressort Tom Waits. C'est la musique, la structure des "morceaux" que je trouve assez original, pas plaqué sur un carcan couplets-refrain, pas collé à un texte, mais en relation avec l'intensité dramatique de l'histoire ou du conte, texte et musique formant ensemble cette ambiance particulière...

 

SV : C'est vrai que se dire influencé par Tom Waits c'est très tendance de nos jours... Au niveau de la voix j'en suis quand même assez éloigné, là pour le coup la filiation ne va pas chercher bien loin, mais au niveau de l'influence elle est surtout au niveau musical, la manière d'utiliser les instruments, chez nous comme chez lui souvent vintage, les petits bruits, les percus où tu tapes sur ce que tu trouves, etc. Également Tom Waits a des constructions de morceaux souvent très élaborées, non linéaires. J'ai pas mal bossé dessus avec un autre groupe dont je fais partie et où on reprend des morceaux de... Tom Waits... ça s'appelle Strange Weather (http://www.totom.free.fr/) avec une fille au chant. Pour l'écriture, le texte, Nick Cave serait plus présent, même si les associations de mots, les images, tout ça, chez Tom Waits, m'accompagnent souvent...

 

CL : Mano Solo, Noir Désir, Casse-Pipe comme famille : ça vous surprend ?

 

SV : Casse-Pipe, j'adorais ça, par exemple. Ils étaient de Saint Brieux, à 100 km de Rennes, on les voyait souvent. Noir Désir aussi, surtout sur scène. Mano Solo, j'ai décroché après les deux ou trois premiers albums. Imbattable au niveau de ce qu'il donne en concert, ce mec...

 

CL : Yes ou Van der Graaf Generator, ça vous parle ?

 

SV : Yes, j'ai écouté un peu, mais c'est pareil, il y a 10 ans... Alban le batteur aime bien tout ça, mais ça ne me touche pas vraiment, trop maniéré, dans le sens complexifié... Je n'ai jamais compris en quoi on trouvait ça "progressif"...

 

CL : Pourquoi tant de noirceur : la mort, les os, les chiens, les corbeaux, le crime, etc... ?

 

SV : Oui, je sais, il faudrait que je voie un psy... Non, je ne sais pas, ça me parle, simplement, les ambiances, quand ça fait peur. J'écris souvent la nuit, c'est propice à ce genre d'imagerie. J'ai choisi de faire ce que je fais pour me trouver moi-même, aussi, et il faut croire que ça doive passer par là. Il y a aussi beaucoup de mes influences là-dedans, littérature américaine sudiste, Cormac McCarthy, tout ça, Nicolas Genka en français, un breton...

 

CL : Van Gogh foutait aussi des corbeaux partout, malgré sa palette éclatante de couleurs ! Je ne sais pas pour le psy, mais j'y vois cet univers des films noirs, "la nuit du chasseur" avec Robert Mitchum...

 

SV : Tout ça c'est très lié pour moi, La nuit du chasseur, Faulkner, Tom Waits...

 

CL : Le « coffre à musique » a-t-il un rapport avec le « Musical Box » de Genesis ?

 

SV : Pas vraiment, même si effectivement à retenir un morceau de Genesis, c'est sans doute celui-là que je garderais...

   CL : C'était la grande période Genesis, avec Peter Gabriel... et ça avait une de ces gueules ! Et Jim Morisson ?

SV : Les Doors, c'est vraiment un des seuls groupes de ces années que je continue à écouter régulièrement, exclusivement en live d'ailleurs, que je collectionne plus ou moins. Rien à voir musicalement, mais avec les liens fin 60 en Californie je termine une traduction/adaptation du White Rabbit de Jefferson Airplane pour en faire une reprise. On fait souvent ça avec Oscar, on a fait comme ça des reprises de Just the Right Bullets, Underground et Shore Leave de Tom Waits, The Carny de Nick Cave et plus récemment Day Of the Lords de Joy Division. Mais pour entendre "White Rabbit", faudra venir nous voir sur scène !

 

 

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Claude Ogiz : Carpe DiemClaude Ogiz - Carpe Diem

On s'élève au-dessus du lac Léman, on laisse tout en bas Vevey et son empire Nestlé. La neige s'épaissit et la pente devient de plus en plus rude sur cette petite route qui se tortille au milieu des vignes... Une fontaine gelée, un petit chemin tout blanc, un feu qui crépite dans une maison qu'on retape. C'est là que Claude Ogiz a décidé de prendre du recul, de la hauteur, d'apprécier la douceur de vivre, de cultiver son jardin, de bidouiller sur son micro... Il a laissé la chanson de côté il y a belle lurette, il a tracé sa route ailleurs, dans le cinéma, dans la formation, dans sa maison, avec toujours cette philosophie de la vie : "faire ce qu'on a choisi de faire et se faire plaisir en faisant, c'est toujours ça de pris" !

     Et puis... voilà la chanson qui revient. Quelques échanges amicaux autour d'un poète maudit, un vieux 33 tours qu'on retrouve et qu'on écoute. Un chanteur qu'on découvre ou redécouvre, ce chanteur, c'est Claude Ogiz. Celui qui chantait « Femmes d'Irlande », « Aldo Gessler », «Bogota » ou « Les banlieues tristes »,  celui qui recevait des mains de Charles Trénet un prix au festival de Spa en 1970, celui qui organisait une tournée en Suisse pour Bernard Dimey, celui qui avait Michel Bühler pour compagnon de chanson. Et, dans la maison au-dessus du lac, la guitare n'est pas loin, un peu délaissée, beaucoup désaccordée, mais toujours là.

     Et puis... c'est l'envie qui revient, envie de reprendre la guitare qui n’attendait que ça, envie de chanter, qui passe par une soirée entre copains à l'Esprit Frappeur de Lutry, au bord du lac. Et c'est ensuite l'envie de s'y remettre, toujours avec l'idée que ce qui se fait se fera avec le plaisir, pour le plaisir de le faire. Sur ses hauteurs, Claude se prend à se mettre la pression, à se dire qu'il referait bien une vraie date pour une vraie soirée inscrite dans un vrai programme. Et l'Esprit Frappeur lui dit banco !

     Alors c'est toujours la même histoire qui se répète. La peur de la feuille blanche, car puisqu'on s'y remet, autant s'y remettre à fond, autant trouver du matériau nouveau, des textes nouveaux, des mélodies nouvelles. Et ça gamberge quand même, malgré le recul, malgré la hauteur. La guitare, tout d'abord, qui tarde à se laisser dompter, les doigts qui souffrent, la main qui n'est plus aussi leste. Mais les idées sont toujours là, humaines, rebelles encore, généreuses toujours, avec cette terrible envie de montrer ce qui est beau comme ce qui est laid. Et, au cours de ces soirées d'hiver, elles deviendront chansons naissantes, chansons nouvelles que découvrira au printemps le public de l'Esprit Frappeur, public d’amateurs de la chanson. Et ils découvriront la chanson de ces gens qui devraient faire preuve d'un peu plus de "retenue", la chanson sur "Bruno Manser", disparu au milieu des trafiquants, la chanson de cette prison d'autrefois sur laquelle flottait un drapeau quand elle n'enfermait aucun prisonnier, la chanson de ces noms et prénoms pas faciles à porter et d'autres, toutes nouvelles, petites fleurs printanières sorties après la neige ! Ces soirs-là, à Lutry, elles seront accompagnées de quelques anciennes, celles des années 70, et aussi de celles empruntées au répertoire, à des amis, à des disparus...

Et tout ça se fera avec le plaisir, un peu de pression, mais de cette pression qui rend le plaisir encore plus plaisant. Et après ? Après, on verra, c'est toujours ça de pris...

Bien sûr qu’il faut se battre pour vivre sur la Terre
Mais
tous ceux qui sont nés entre un’ mère et un père
Sous un toit confortable, dans une contrée élue
Ceux-là devraient montrer un peu de retenue...

 Christian Lassalle

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Monique MorelliMonique Morelli

Gérard Pierron, l'un de ceux qui ont ressuscité Couté dans les années 70-80, reconnaît que personne   ne l'avait encouragé à faire du Couté ! Tout le monde le prenait pour un fou...

Personne, sauf une dame : Monique Morelli ! C'est elle qui a accueilli Gérard Pierron à ses débuts parisiens... C'est elle qui lui a permis de débuter dans son cabaret.

Monique Morelli a chanté les poètes... et, bien sûr, elle a chanté Couté.

Morelli avec cette voix profonde qui sentait la cigarette, le pinard...qui n'avait besoin de rien d'autre que l'accordéon magique de Lino Léonardi pour nous balancer les chansons de poètes qu'elle aimait : Couté bien sûr, mais aussi Villon, Ronsard, Katia Granoff, Aragon (Ah...Entre pleurer et rire ! ) et bien sûr Mac Orlan, dont elle est pour moi la plus grande interprète avec Germaine Montéro, parce que la voix de Monique confine au mythe des chanteuses à voix de rogomme dans les ports du bout du monde !

Et dans son cabaret, où elle chantait tous les soirs - ou presque, je ne me souviens plus -,  beaucoup d'amis ont chanté, dont Colette Magny. De plus, Monique a fait longtemps partie des soirées Jam-Sessions organisées par Luc Bérimont, qui restent parmi mes plus beaux souvenirs... Mais c'est loin tout ça ! Les jam-sessions réunissaient sur scène Marc Ogeret, Hélène Martin, James Ollivier, Jacques Doyen et au gré des soirées et des disponibilités Francesca Solleville, Anne Sylvestre, etc... 

Monique un choix de chansons de poètes principalement et non des moindres, déjà mis en musique et chantés par d'autres interprètes ou mis en musique par son compagnon et accompagnateur Lino Léonardi (Maintenant que la jeunesse, etc...), une voix profonde, venue du vécu, d'une vie bien remplie et d'une femme qui n'avait pas oublié de fumer et de tâter du gros rouge, une présence telle, dans sa robe blanche barrée d'une large écharpe rouge, qu'il n'était nul besoin d'orchestre tonitruant, d'éclairages au laser, de fumées qui mettent la salle dans le brouillard pour qu'elle s'impose...

Lino à l'accordéon, Monique chante, ouvre les bras et le voyage commence...
T'emportant dans ces ports du bout du monde sortis de l'imagination de Mac Orlan,
Tu côtoies putes et marins...
Tu craches tes poumons en fumant Du Gris...
Tu prends un sacré coup de vieux en voyant ta jeunesse qui se cavale au trot…
Tu tiens dans tes mains Les Mains d'Elsa…
Tu ripailles avec Villon…
Tu es amoureux comme Ronsard…
Tu laves ta lessive le jour qu'il faut...
Tu es presque séduit par Gilles de Ray…
Tu te replonges dans Carco....
Plus jamais tu n'oublies Nelly de Recouvrance, ni Marie-Dominique et…
Tu te dis, avec elle, que "ça n'a pas d'importance"…
Et que peut-être un jour tu rencontreras Jean de la Providence de Dieu !

(Nicole Nèves – Bruxelles – février 2003)

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Hervé Lapalud : "la vie continue"Hervé Lapalud : "La vie continue"

Je l’aime et je le prouve ?

Pas facile, surtout quand on sait que l’aimé(e) n’est pas un être humain, mais une chanson… Je l’aime et je le prouve : j’achète l’album, j’en parle à mes amis, je vais aux concerts pour l’entendre. Facile ! Mais je l’aime et je le prouve : je le démontre, j’explique pourquoi et je donne envie. Une autre paire de manches !

Alors, aussitôt, le premier réflexe, c’est de se tourner vers un « grand » , de se chercher une Brassens ou Ferré qui n’est pas une évidente, pas une vénérée par tous. Puis on se dit que la chose a déjà été faite par des spécialistes, des sages, des encyclopédistes ou des universitaire et qu’on n’y ajoutera que des banalités, voire pire…

Finalement, c’est le « donner envie » qui l’emporte et on écoute en boucle l’élue de nos oreilles, en se demandant par quel bout on va l’agripper pour l’exposer…

La mienne, mon élue, je l’écoute depuis qu’on m’a posé la question ! Je la trouve belle, mignonne, touchante, émouvante : elle m’arrache tantôt un sourire nostalgique, tantôt une p’tite larme tristounette et m’emporte dans un grand courant d’espoir.

Elle est pourtant toute simple, avec des mots élémentaires. Pas besoin de dictionnaire pour la comprendre. Pas de prise de tête poétique, pas de rimes accouchées dans la douleur. Des phrases de tous les jours, des images banales, qui racontent une petite vie « normale ». Le sujet est commun, le héros est bateau, c’est peut-être ce qui fait sa force, à ma p’tite chanson que j’aime et que je défends.

Et puis la musique est douce, discrète au début, elle laisse la voix, jolie et sympathique, raconter l’histoire. Pas d’orchestre symphonique, pas de violons langoureux ! Juste une guitare et quelques notes, un chanteur qui y croit, des couplets et un refrain ! Rien de bien compliqué…

Des souvenirs d’enfance, des images de bonheur, l’amour des parents, les quatre heures pour donner des forces, des copains, un tonton rigolo et les bouquins dans un lit … La vie sans chaos !

L’adolescence qui revient, frimeur, fumeur, le flipper, les potes, les petites amoureuses dans un lit. La vie sans souci !

Le jeune cadre, la p’tite famille, les enfants, la femme, les vacances à la plage, les mots croisés, les maîtresses, le sport à la télé qu’on regarde dans un lit ! La vie qui s’ennuie ?

Puis le clash… Imprévu et dont on ignore tout et dont on ne saura rien. La maladie, le stress, la déprime, le dégoût de tout ? Et le chanteur susurre ses regrets de bonheur disparu, la guitare joue en sourdine, car le silence est de rigueur à l’hôpital… Le moment où le temps prend son temps, où la vie s’arrête, le temps de faire le point, de voir tout ce qu’on n’aura plus. L’hôpital, c’est l’endroit où une simple visite, une promenade valent tous les loisirs branchés, une vinaigrette dans une salade tous les repas de fête…

« Y a plus d’étés sur mes printemps / des bouées sur l’océan », c’est quand même de la chouette poésie, ça !

Encore une histoire triste, un truc qui fout le blues, une vie qui s’arrête, qui se rétrécit… On sent les yeux qui se mouillent, l’hirondelle du faubourg n’est pas loin !

Mais non ! La musique revient au galop, comme la cavalerie dans un bon western, la voix se fait presque rock, le chanteur frappe l’instrument comme Kit Carson son cheval. Et la vie continue !

« J’aim’ tout c’ que j’ai pas droit / C’ qu’est barré , qui r‘viendra pas ! / J’aim’ tout c’ qu’est interdit ! / Sacré bonsoir ! J’aim’ la vie… »

C’est du Brel à l’Olympia, par la fougue, par le tourbillon dans lequel s’engouffre le public… « La vie continue / Moi dedans / Bateau battu par les vents / Je m’habitue / Pas complèt’ment / Au menu / D’ ce restaurant »

Mais c’est pas Brel, c’est pas Amsterdam…

Ma p’tite chanson que j’aime, c’est « la vie continue » et le p’tit chanteur qui aime la vie, c’est Hervé Lapalud !

 

Christian Lassalle

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Hervé Akrich : Intermail

 

CL : Bonjour Hervé. Je peux poser quelques questions ?

HA : En ce moment je suis en promo, il faut bien le faire, mais d'habitude j'aime bien que les médias me laissent tranquille.

CL : Cet aspect commercial te pèse vraiment ?

HA : Quand on fait du fric, il ne faut pas penser à la chanson. Moi je suis juste un p'tit gars qui essaie de faire du fric le plus honnêtement possible, sans se préoccuper de savoir si ça va faire de la chanson ou pas.

CL : Penses-tu avoir la notoriété nécessaire pour faire les grandes salles parisiennes, le Limonaire, le Forum et autres fermes qu'on voit fleurir à Paris et autour ?

HA : Il faut rester modeste, ne brûlons pas les étapes. Si l'Olympia et Bercy se passent bien, alors on pourra peut-être penser au Limonaire, mais pas avant.

CL : Pour les stars américaines, les gains provenant des tournées sont 7.5 fois plus élevés que ceux des disques. Est-ce vrai aussi pour toi ?

HA : On est un groupe sans gain et c'est très bien ainsi.

 CL : Seriez-vous prêts à venir faire un concert de soutien pour une structure qui ne vous a jamais programmés ? C’est très à la mode en ce moment…

HA : J'avoue avoir l'impression de m'être déjà un peu fait piéger à ce jeu-là. On est vulnérable et parfois prêt à tout pour se faire entendre, et y'a des gens qui le savent très bien...

CL : Sur ton album, tu as travaillé avec Machin et alors ?

HA : J'avais très envie de travailler avec Machin et ça s'est super bien passé, ambiance formidable, que des bons souvenirs. Il est vraiment entré dans mon univers (au début ça m’a fait mal, mais après c’était bien agréable).

CL : Et le prochain truc que tu fais, c'est avec qui ?

HA : Tu sais ce métier c'est avant tout un métier de rencontres. Et c'est vrai que lors de la dernière fête qu'il avait organisée chez lui, Eddy Barclay m'a dit qu'il ressentait un bon feeling qui passait entre lui et moi, et c'était exactement ce que j'avais envie de lui déclarer. Mais je suis sûr qu'un jour au ciel on fera un super album tous les deux.

CL : Tu as fait une chanson sur « tes filles » : est-ce qu’elles étaient d’accord ? Avec le projet et avec le résultat ?

HA : Manquerait plus que je leur demande leur avis ; ça les regarde pas. Quand je fais une chanson sur les communistes qui ont rejoint le FN ou sur les immigrés clandestins je ne demande aucune autorisation.  

CL : Est-ce qu'il t'arrive de mentir en public ?

HA : Je suis un artiste qui ne triche pas avec son public. Ce qui compte c'est d'être sincère avec soi-même et de savoir rester comme on est.

 CL : Quand tu chantes, à propos des MacDo, que, dans la chair à saucisse, y a des p'tis doigts d' syndicaliste, peut-on penser que tu vérifies ton information avant d'écrire ?

HA : Là tu poses le problème de la liberté du créateur, et c'est un vrai problème, d'ailleurs je n'ai pas de réponse sinon que, comme le dit mon collègue Florent, "Vous n'aurez pas ma liberté de penser, parce que je sais plus ce que j'en ai fait, je m'en suis jamais servi, je sais pas où elle est, vous pouvez toujours chercher, y'a pas de ça chez moi."
N'empêche que pour cette chanson, j'ai effectué tous les tests avant de m'engager ; un copain de Sud Rail m'a fourni une dizaine de p'tits doigts de syndicaliste, je les ai mangés en aveugle, bandeau sur les yeux, en alternance avec des super Big Mac, eh bien c'est certain, y'a un p’tit arrière goût commun aux deux.

CL : Sur ce dernier album « Chansons à louer », quelle est la chanson qui te tient le plus à cœur ? Celle que tu aimes le moins ? Y a-t-il, sur tes trois albums, des chansons que tu regrettes ?

HA : Sans déconner, sur "Chansons à louer", je suis vachement content de "Tics" de "Si t'es plus là", de "Madeleine", de "Mes filles", je n'aime plus "Laisse-moi vivre" qui est plutôt méchante.
Sinon sur les précédents, bien sûr, je regrette l'amateurisme de la production (mais c'est une histoire de sous).
Je regrette peut-être une chanson comme "les mecs" sur "mon p'tit ego".
Je commence à savoir faire le distinguo entre une chanson qui fonctionne bien (c'est par exemple le cas de "kebab ou MacDo" ) et une chanson dont je suis fier (par exemple "je m'ai quitté" ou "les p'tits bateaux").

CL : Est-ce que tu peux nous dire deux mots de Paulette et de sa fanfare ?

HA : C'est mon bol d'air. J'y vais en répétition comme on va jouer aux boules ou au cartes à son club troisième âge.
En plus comme, dans la rue, on est un peu costumé, qu'on y joue un personnage, j'ai beaucoup moins d'inhibitions (corporelles par exemple) que sur scène où je dois défendre mes chansons à moi, mes musiques, et où c'est plus difficile de se distancier.

CL : Pour faire sérieux et crédible, il faudrait mettre une photo avec l'interview !

HA : je peux aussi poser nu de dos au bord de ma piscine ou dans ma cuisine en train d'éplucher des carottes, parce que je suis resté simple et proche des gens.

 CL : Bien, ça va être plus facile de trouver des carottes !

 

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Théâtre de l'AlbatrosThéâtre de l'Albatros

    A partir de cet automne le Théâtre de l’Albatros accepte d’accueillir la programmation de Reims Oreille. Le Théâtre de l’Albatros n’est pas une simple salle de spectacles, il est aussi et surtout le siège des activités théâtre des ateliers pédagogiques d’insertion sous la houlette de Didier Aubry.

«L’activité théâtrale permet progressivement à ces jeunes de sortir de cette spirale de l’échec…»

    Les jeunes qui s’engagent dans l’activité théâtre des ateliers pédagogiques d’insertion sont la plupart du temps marginalisés, exclus, en situation de rupture totale. Cette situation d’échec a complètement modifié leurs points de repères et leur renvoie une image totalement dépréciée d’eux mêmes, rendant extrêmement difficile le rapport à l’autre. L’activité théâtrale permet progressivement à ces jeunes de sortir de cette spirale de l’échec et de trouver leur place dans la relation sociale. Ainsi, ils réapprennent à se confronter aux autres, à assumer des responsabilités, à acquérir la notion de solidarité, que ce soit sur scène, à la technique ou encore dans la vie quotidienne.

    La représentation théâtrale n’est pas l’élément prédominant du travail mais elle est la finalité naturelle de l’activité. Le théâtre est ici considéré comme un support pédagogique, un moyen d’insertion. En effet, la discipline imposée par les répétitions et les représentations aide les jeunes à s’organiser, se concentrer et faire face à toutes ces contraintes les aide à retrouver une image d’eux-mêmes plus valorisante.

    L’activité théâtrale a pour première conséquence la création d’une troupe, d’un groupe social où chacun peut trouver sa place (comédien, technicien…). Elle facilite également les contacts avec de nouveaux intervenants comme le metteur en scène, le régisseur ou le public, aidant ainsi les jeunes à créer de nouvelles relations sociales positives, d’appréhender la société civile plus facilement et à terme à mieux s’y insérer. De plus, la volonté commune de créer un spectacle leur apprend à accepter l’encadrement, la rigueur du travail d’équipe, les règles de la vie en société.

    Le théâtre peut être également source de réconciliation avec la notion de culture générale, ainsi l’apprentissage des dialogues peut permettre aux jeunes de renouer le contact avec le domaine de l’écrit. De même la pluralité des activités associées au jeu théâtral comme la danse, le chant, permettent une meilleure reconnaissance de la personnalité de chacun au travers d’activités physiques diverses comme l’acrobatie.

    Ainsi, le spectacle intitulé Essaye un peu pour voir proposé au Théâtre de l’Albatros les 31 mai, 1er et 2 juin derniers était une excellente illustration de ces multiples enrichissements. En effet, quatre jeunes nous ont présenté un spectacle réalisé à partir d’ateliers « Cirque » dirigés par l’association TRAC. Le spectacle structuré en séquences et bien rôdé «roulait tout seul », la complicité des jeunes comédiens et les petites touches d’humour lui donnaient une originalité et une authenticité que le public apprécia spontanément. Les jeunes du restaurant pédagogique des ateliers d’insertion avaient décidé de participer également et de prolonger cette soirée en nous préparant un pot de l’amitié et une collation fraîche bien agréable. Sans aucun doute, l’objectif fut atteint, non seulement les jeunes ont réussi à travailler ensemble et à concrétiser un projet complexe comme la réalisation d’un spectacle, mais aussi à donner du plaisir à un public conquis !

    Didier Aubry conclut : « Quand les jeunes quittent les ateliers d’insertion, ils emportent avec eux, un peu de « Théâtre », une ou plusieurs références positives, une autre idée d’eux-mêmes, de leurs capacités, et un regard nouveau sur les autres. Somme toute un peu d’espoir. Que ce soit dans la vie quotidienne ou dans l’activité que nous devons nous montrer comme modèles : rigoureux, exigeants et passionnés ».

    Au delà de sa fonction de salle de spectacles, le Théâtre de l’Albatros est surtout un lieu d’apprentissage, d’échange, d’engagement ou toute une équipe de passionnés développe une énergie impressionnante et s’investit sans compter depuis plus de quinze ans.

    Contact : Compagnie théâtrale de l’Albatros – 5, rue Rosset – 51100 Reims – Tél. : 03.26.04.82.47.

L'Albatros, c'est ici

 

Brigitte Fourquet

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Éric Nadot : Tranches de ScènesEric Nadot Tranches de Scènes

CL : Tranches de Scènes, qu'est-ce que c'est ?

Éric Nadot : Un magazine vidéo sur DVD consacré à la chanson francophone. Distribué gratuitement aux adhérents de l'association.
C'est une entrevue filmée avec un artiste. Il parle de sa vie d'artiste, de son rapport à la scène et au public. On le voit sur scène chanter 4 ou 5 chansons réparties tout au long de la vidéo. On lui demande aussi de parler de ses amis artistes et on va les filmer de sa part pour illustrer son propos. Cela donne un reportage d'un peu plus d'une heure
autour de l'artiste "principal" et avec ses copains. A la fin il passe le relais à un de ses amis qui sera au centre du reportage suivant. Les chansons sont mises en intégralité, ce ne sont pas des extraits

CL : TDS, qu'est-ce qui t'a donné envie de te lancer là-dedans ?

EN : J'ai toujours eu envie d'emmener les gens au spectacle, passer de bons moments avec mes amis avant, pendant et après.
Un jour je me suis dit qu'il y avait plein de moments perdus à jamais pour la mémoire collective. Depuis toujours circulaient des enregistrements audio pirates. J'ai voulu organiser des enregistrements vidéo pirates officiels et légaux et en concertation avec les artistes eux mêmes. Pas de prises de vues ultra techniques, matériel léger, discret pour se mettre le plus possible à la place d'un spectateur dans la salle sur son siège

CL : TDS, vous êtes combien ?

EN : 235 adhérents à la midécembre.

CL : TDS, ça coûte combien ?

EN : Aussi cher qu'une danseuse, en énergie, en temps et en argent !

CL : D'accord mais concrêtement ?

EN : L'adhésion est à 50 Euros pour 4 DVD qu'on essaye de boucler en un an.

Mais on n'y arrive pas pour l'instant, alors l'adhésion annuelle devient une adhésion sur 18 mois et beaucoup plus même pour les adhérents de la toute première heure.
Un DVD, c'est environ 2 mois de travail à plein temps... répartis par petits morceaux sur 2 ou 3 ans.

CL : TDS, en quoi c'est difficile ?

EN : Le plus difficile actuellement, c'est d'annoncer au monde entier que cela
existe, chercher les gens que cela intéresse. Et puis tenir le coup le temps de trouver tous les adhérents nécessaires pour enchaîner les DVD.

CL : TDS, qui te soutient et qui t'a soutenu et comment ?

EN : Les adhérents de la première heure (une cinquantaine) ont permis de mettre en marche la machine, de faire bouillonner les idées, de patienter pendant le développement des 2 premiers DVD, de trouver d'autres adhérents.
Nous n'avons aucune subvention. Ces derniers temps, des passerelles se font de plus en plus avec les associations locales comme Reims Oreille par exemple. Il y a maintenant une douzaine d'associations amies. La première c'était A Fleur de mots, à Lyon. C'est fédérateur. Cela permettra aussi d'aller en direction des artistes locaux, faire un DVD sur la chanson à Lyon, en Suisse ou à Reims.

CL : TDS, qu'est-ce que les artistes ont à y gagner ?

EN : Une visibilité, on va les amener à la télé dans les salons des adhérents qui vont ainsi faire des découvertes.
Mais on va frustrer les auditeurs : une seule chanson pour donner envie d'acheter le CD ou bien d'aller en voir plus dans les salles de spectacle.
Le public d'Anne Sylvestre peut apprécier les artistes qu'elle même apprécie. Encore faut-il que ce public ait l'occasion de savoir que ces artistes-là existent.
Ils ne passent pas à la télé. Avec Tranches de scènes on ouvre une petite fenêtre...
Quand on sera 5000 adhérents on remplira des salles. 5000 adhérents, cela fait 50
à 60 dans chaque département français : un petit réseau pour faire circuler la chanson qu'on aime à Tranches de scènes, la faire venir chez les gens par le DVD, puis en vrai.

CL : TDS, pour adhérer… comment est-ce qu'on fait-on ?

EN : On envoie 50 Euros à :
Tranches de scènes - 16 Allée aux Cerfs - 94370 - Sucy en Brie 
et on donne son adresse postale et si possible une adresse courriel.
On peut imprimer le bulletin d'adhésion sur le site :
www.tranchesdescenes.net
Si on est adhérent Reims Oreille, c'est 40 Euros au lieu de 50.

CL : Une dernière question : Quand « Tranches de Scènes » aura les milliers d’adhérents que tu espères, tu crois que tu nous diras toujours bonjour ?

EN : Quand nous aurons 5000 adhérents, nous organiserons des soirées avec Reims Oreille... si vous nous parlez encore. Que vous soyez 50 ou 500 ou 5 000 ou 50 000, non, pas 50 000, là on ne communiquera plus que par vidéoconférences, on ne se dira plus bonjour par manque de temps, Hervé Lapalud sera une star internationale, et les chansons d'Hervé Akrich seront traduites en 22 langues dont le norvégien et l'occitan.

 

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Claude Antonini à Roudon

 

 

 

 

Claude Antonini : la Cuvée du Cigalier

CES CHOSES-LA

Lorsque t’entendais parler au village,
Brave homme à la têt’ dur’ comme un sabot,
De l’Action directe et du Sabotage,
Tu restais vitré comme un escargot ;
Calme paysan des coteaux tranquilles,
Au fond d’ ta jugeot’ tu pensais comme ça :
“ C’est des inventions des gâs de la ville
Et, moi, je n’ peux pas comprendr’ ces chos’s-là ! ”

Si les exploiteurs qui pressur’nt tes frères,
Pauvres ouvriers, pauvres citadins,
Font l’ geste d’abattr’ leurs griff’s sur ta terre
Ta vieill’ “ comprenoire ” se réveill’ soudain :
Paysan, t’es pas si bêt’ qu’on suppose
Ni qu’ tu veux l’ faire croir’, sacré nom de d’ la !
Si ton intérêt se trouv’ mis en cause
T’as rud’ment vit’ fait d’ comprendr’ ces chos’s-là !

Aujourd’hui, voilà c’ qui s’ pass’ dans la Marne
D’après les dernièr’s nouvell’s des journaux :
Au sac des celliers la foule s’acharne
Brisant les bouteill’s, crevant les tonneaux ;
Les ruisseaux débord’nt de flots de champagne
Et les vign’s avec leurs grands échalas
Sont comm’ des bûchers au cœur des campagnes…
Foutre ! t’as grand’ment compris ces chos’s-là !

Esclav’ des usines, esclav’ de la terre,
Les vœux de nos cœurs sont les mêmes vœux :
Tous deux nous souffrons de la mêm’ misère.
Nous avons le même ennemi tous deux !
Paysan, mon vieux, allons, que t’en semble ?
Pour la grande lutt’ qui bientôt viendra,
Donnons-nous la main et marchons ensemble
A présent que t’as compris ces chos’s-là !

Gaston Couté

 

On a coutume de représenter Gaston Couté en « poète paysan », c’est un raccourci facile. Il n’est sans doute pas plus paysan que vigneron, il n’a pas davantage touché au manchon de la charrue qu’au sécateur ! Mais il a su peindre avec talent les gens de la campagne, les petits comme les gros, les pauvres et les puissants, les gens de la moisson comme ceux de la vendange.

Cependant, à la lecture de son oeuvre, on a le sentiment que, sur son chemin de traîneux, la vigne et le vin l’accompagnent de bien plus près que la terre et le blé. A la rudesse des mangeux d’terre , Couté préfèrera souvent la chimère des amis de la vigne. Pour lutter contre la faim qui le taraude, il privilégiera le jus de la treille : le blé reste pour lui synonyme de cupidité et d’avarice, de «l’avoir» qu’on ne partage pas, alors que le vin saura lui couper la soif, lui permettra de voir la vie meilleure, lui fera croire au «partage» sans lendemain et lui donnera l’illusion d’être à sa place dans une époque pas aussi belle qu’on le dit.

Avec le vin, il essaiera vainement «d’aphysquer ses idé's rouges, ses idé's roug's et nouér's qui bougent dans sa caboch' de gueux et d' fou, de vouér tout en rose et crouér qu' si‘l a mal vu les choses c'est p'têt' pa’c’qu’il était pas saoul». Le vin sera le symbole de la fête, qui permet l’espace d’une cuite d’effacer la réalité. Et s’il reconnaît qu’il n’a pas le droit au pain, il réclame «le drouet à la chimère, la chimèr' douc' des saoulés d'vin».

Tout au long de son bref parcours, le thème du vin et de la vigne ne le lâchera pas et, même dans la dernière année de sa vie, quand il confiera à la Guerre Sociale sa chanson d’actualité hebdomadaire, il mettra en scène la révolte des vignerons marnais de 1911, révolte des petits vignerons affamés par le négoce et les gros manipulants qui importent du vin du sud pour fabriquer leur vin : des maisons de champagne seront mises à sac dans la vallée de la Marne, des vignes seront brûlées et l’armée interviendra à Épernay et dans ses environs. Couté en fera plusieurs textes d’actualité, dont le beau et violent «Ces choses-là».

Couté a disparu depuis bientôt un siècle et pourtant… à Meung sur Loire, là où il a grandi, pousse encore une vigne, la dernière du coin. Et cette vigne donne un petit gris meunier dont la principale qualité est de mettre des moigneaux dans les coeurs. Celui qui la soigne, c’est Bernard Gainier, un gars qui, d’après ce que certains racontent, dit Couté «comme un prince». Mais c’est faux, Bernard Gainier, comme le rappelle Jacques Lambour, ne dit pas Couté, il «parle Couté»… Car le Couté est une langue qui se parle avec le coeur, qu’on apprend avec le coeur et qu’on comprend à Montmartre comme sur le bord des Mauves. Suffit d’avoir du cœur…

Et dans l’entourage de ce vigneron peu commun se trouve une dame, la «Grande Claude», comme il dit, la «mal tournée», comme elle dit. Cette dame, qui depuis toujours met en musique et interprète les poètes «pas assez connus», c’est Claude Antonini. De sa voix grave, chaude et rebelle, elle en a chanté des inconnus, elle en a déniché des poésies rares, après Paol Keineg, Jean Dieudonné Garçon, sans oublier Armand Olivennes. Toujours en recherche, elle rencontre au cabaret du Pétrin, Vania Adriensens, apportant dans ses valises parisiennes sa passion pour Gaston Couté. C'est alors qu'a commencé pour elle une saga qui n'est pas près de se tarir avec cette «Cuvée du Cigalier» : elle revient encore à Couté… Divorce impossible !

Pour accompagner ces deux-là, des musiciens, des amis, des compagnons de chemin escarpé, Thierry Brossard et Vincent Viala, deux louches mélodistes, Jean Foulon, François Gerbel et Michel Monié, trois p’tits crèmes un peu blueseux ! Ils savent mettre sur les mots de Couté les notes qu’il faut, ils savent faire vivre la musique déjà présente dans les textes du poète, ils savent mettre leur swing, leur rythme et leur talent au service de son œuvre…

Cette «Cuvée du Cigalier» a su prendre le soleil de l’été et doit se consommer sans modération…

http://www.compagniedariane.com/

 

Christian Lassalle

 

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Maurad Mancer

 

C. L. : Bonjour, Maurad. 
Tu habites Marseille. De qui te sens-tu le plus proche : Raimu ou Zidane ?

M.M. : Raidane

C.L. : Rai à cause de Marseille et Dane à cause du style ?

M.M. : Ou le contraire, va savoir...

C. L. : Laffaille pour l’insolence, Renaud d’antan pour le côté rebelle, Lapointe pour le langage, Souchon pour les mélodies, ça te va comme tiercé ?

M.M. : J’aurais voulu être un artiste...

C.L. : Tu ne te considères pas comme un artiste ?

M.M. : Plutôt comme un questionnement sans fin, par amour pour l'engouement des sens, quand l'idée se précise ou s'échappe, quand le mot est sur la langue, rappeuse…

C.L. : J’ comprends rien à ce que tu me racontes là. Tu peux préciser pour les mal comprenant ?

M.M. : Quand ça me titille la branlette du cerveau ! Quand ça me presse le citron ! Parce que sinon je m'ennuie...

C. L. : Est-ce que tu écris des chansons pour le texte ou pour la musique ?

M.M. : Pour la chanson, la chanson sur scène, juste pour voir la tête des spectateurs ! Narcisse !

C.L. : Et alors ! Elle est comment, leur tête ?

M.M. : Du genre « Ouah ! Bien vu l'aveugle ! » Ou alors « C'est de lui, ça, avec un nom pareil, jouer aussi bien de la langue à Rimbaud, mieux que Joyet » ! 

C.L. : En faisant cet Intermail avec toi, je me suis dit qu’on allait bien déconner.

Et puis tu m’obliges à te demander en quoi cette langue est à Rimbaud et pourquoi un Maurad ne serait pas mieux qu’un Bernard pour la chanter ?

M.M. : La France est encore profondément raciste, un racisme de gauche, de condescendance et finement installé, puisque dire ce que je dis me fera passer pour un paranoïaque dépassé.

Et le milieu de la chanson n'échappe pas au phénomène… On se gausse des exceptions, mais une exception reste une exception...

CL : Tu veux dire que le milieu de la chanson qu’on appelle « d’auteur » ou « à texte » et qui se veut souvent engagé considère qu’une écriture de qualité ne peut pas venir d’une souche non française ? Et Aznavour autrefois ? Et Ridan aujourd’hui ?

M.M. : Pas " le milieu", mais certains trouvent étonnant, agréable et exemplaire, ce fait ! Alors qu'il faut oublier " l'origine " de l'auteur de la chanson, car cela n'a rien à voir.

Marre du bon " fils de ", marre du mot « intégration ». Gazouze le Gag du ministère ne change rien à l'affaire... Le genre « Bravo pour ce que vous dites, quelle finesse ! ». Faudrait il répondre : « Mais je suis français, moi môssieu » ? Quel rapport avec la chanson ?

C. L. : Moussu T, tu connais ?

M.M. : Je préfère Oai Star…C'est une partie des Massilia Sound System, comme Moussu T, en plus rock !

C.L. : On a dit à la télé (donc c'est vrai) que Marseille avait été exemplaire durant les z'événements banlieusards. Tu confirmes ?

M.M. : Trois voitures brûlées dans ma rue, mais bon, si nos braves journalistes affiliés à Reporters sans Frontière ne disent rien, c'est qu'il ne s'est rien passé... Ils mentent par déontologie !

C.L. : Tu aurais pu chanter une chanson sur la SNCM ou Gaudin ?

M.M. : Encore eux ! Ils me demanderaient des droits d'auteurs, ces vautours !

C. L. : C’est quoi, pour toi, le nord de la France ?

M.M. : Les quartiers du même nom.

C.L. : Tu peux me dire deux mots de Lisette ?

M.M. : je crois que je l'aime...

C. L. : « Au nom du père », on connaît peut-être, mais « Au nom du F.I.S », tu peux expliquer ?

M.M. : Des milliers de morts au nom du père. Ils ont déjà eu le fils, mais ça n’a pas suffi...

C. L. : Lady Di, Brigitte Bardot, Mitterrand font partie de tes « cibles », ne crois-tu pas que ces attaques sont un peu trop « précises » ?

M.M. : Mais ça m’amuse autant qu’ils m’ont fait chier !

C.L. : Tu en as deux sur trois qui ne t'emmerderont plus. C'est qui, tes prochaines victimes ?

M.M. : Sans commentaire. Pour éviter le procès pour apologie de destruction d'antiquité.

C.L. : Si tu pouvais choisir ton camp, tu serais où ?

M.M. : En vacances !

C.L. : Tu fais chier, Maurad... Même si mes questions sont connes, tu ne fais pas beaucoup d'efforts pour faire monter l'audimat. T'as pas honte ?

M.M. : Bon, je fais un effort, mais après je me tais pour 12 siècles...

C.L. : Vas-y ! J'attends... Dis tout ce que tu veux. Et je virerai ce qui ne me plait pas ! Comme pour Noah dans Paris-Match...

M.M. : Ben moi, pour Paris Teuf, je renie ma race, ma mère, ma femme, Reims Oreille et la chanson. Parce que c'est people et puis faut se rapprocher de ceux qu'on voudrait voir plus souvent à nos spectacles où on apporte la bonne parole et la culture. Parce que, chez ces gens là, Monsieur, on starac et nous on est jaloux comme des poux, genoux, cailloux et l'on voudrait leur foutre sur la gueule, à ces médias qui nous ignorent.

Bouh ! ils sont méchants et bêtes : priver la France de notre talent ! M'en fous, je chanterai pas pour le PS !

C. L. : Tu chantes parce que tu aimes ça ou parce que tu écris des chansons ?

M.M. : Pour draguer ma femme.

C.L. : Est-ce que toujours ça vous épate d’être ravis au lit ?

M.M. : Je vais vérifier ça de suite !

 

 

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Gérard MorelGérard Morel à l'Albatros

C.L. : Tu es un homme de théâtre. Comment es-tu venu à la chanson ?

G.M. : C’était pendant l’été 96, je n’avais pas envie de bouger de chez moi (j’avais beaucoup tourné au théâtre pendant la saison) et je suis tombé sur des textes de chansons que j’écrivais au lycée, lorsque nous avions monté avec des copains un groupe de rock parodique dont j’étais le batteur ( Eh oui !...). Et j’ai passé mes vacances à écrire des chansons ! si j’étais tombé sur un vieux pot de peinture, j’aurais sans doute repeint mon grenier ! Quelques mois plus tard, un ami qui dirigeait un centre culturel en Franche-Comté a entendu ces chansons et m’a mis au défi de venir les chanter dans un festival qu’il organisait. J’ai relevé le gant, et... et voilà !

C.L. : Avec les Garçons qui l’Accompagnent, vous donnez l’impression d’une troupe. Car même si tu es le leader, tu te laisses souvent voler la vedette par ces garçons : te rends-tu compte que c’est assez unique comme manière de faire ?

G.M. : Lorsque j’ai relevé ce défi, je n’ai pas voulu déranger de « vrais » musiciens pour m’accompagner dans 6 chansons qu’on devait chanter 3 fois dans ce festival. J’ai demandé à des amis comédiens dont je savais qu’ils jouaient un peu de musique de venir faire les crétins avec moi. Ensuite, lorsqu’il s’est agi de continuer plus sérieusement l’aventure, j’ai évidemment continué avec eux, en ajoutant un « vrai » musicien qui, prenant en charge les arrangements et la direction musicale, nous a mis au boulot ! Mais sur scène, on fait ce qu’on sait faire : interpréter des personnages qui racontent des histoires, en chantant, en improvisant, en jouant, que ce soit la comédie ou sur des instruments... Alors en effet, maintenant que je vois plus de concerts, je m’aperçois que c’est sensiblement différent de ce qui se fait généralement. Mais on ne se pose pas particulièrement la question, on fait comme on pense que c’est bien et que ça nous rend heureux, pas pour rentrer dans une norme. De toute façon, le but dans la vie n’est pas forcément de faire comme tout le monde !

C.L. : Tes textes ont la particularité d’être très longs. Pourquoi ?

G.M. : Pareil. Quand je fais ma chanson je ne me pose pas la question de sa durée. La chanson s’arrête quand l’histoire qu’elle raconte est terminée. Les 3 minutes habituelles sont essentiellement liées au format de diffusion radio, mais c’est un argument qui nous concerne peu.

C.L. : Le concept du « bon gars pas dégueu », c’est de toi. Simple, modeste, généreux, curieux, faussement paresseux, épicurien, rabelaisien, c’est toi ?

G.M. : C’est gentil, mais exagéré : je suis vraiment paresseux !

Non, je n’ai pas du tout envisagé cette chanson comme un concept ! Mais il est vrai que Rabelais fait partie des auteurs qui comptent beaucoup pour moi.

Avec les Garçons qui l'Accompagnent

C.L. : Le vieux Léo, le grand Jacques, le père Brassens… Il se sent le plus proche duquel, le père Morel ?

G.M. : Celui que j’ai le plus écouté et que je connais le mieux des trois c’est Brassens. Mais j’ai beaucoup d’affection et d’admiration pour les trois : pour la façon incroyable qu’avait Brel de se mettre à poil sur scène, pour la puissance redoutable des textes de Ferré. J’ai eu l’occasion de chanter Ferré sur scène, c’est un bonheur rare.

C.L. : Es-tu lent pour faire une chanson ? 0u es-tu comme ces auteurs vifs comme des mobs à réaction ?

G.M. : Ah non ! pas les mobs, ça pollue l’azote !

A quelques rares exceptions près, je mets beaucoup de temps pour écrire une chanson. D’autant que j’en mène souvent plusieurs de front.

C.L. : Quand tu écris, ce qui prime d’abord, c’est la forme ou l’idée ?

G.M. : Pour moi, c’est la forme qu’il faut trouver d’abord. Les idées il n’y a pas à les trouver, il faut les avoir avant. Si tu trouves la forme judicieuse, les idées s’exprimeront d’elles-mêmes. Si tu commences par les idées, tu fais une rédac, et une rédac, c’est à mon sens le contraire d’une chanson !

C.L. : La musique vient avant, pendant ou après ?

G.M. : J’écris toujours sur une mélodie, qui m’est nécessaire pour les accents et les rythmes qu’elle impose au texte. Cependant il n’est pas rare qu’une fois le texte terminé, ou en cours d’écriture, la musique ne me convienne plus et que j’en compose une autre, mais qui gardera généralement les même accents et les mêmes caractéristiques rythmiques.

C.L. : Cette vie folle de saltimbanque : Paris, New York, Amsterdam, Chaumont, et, pour finir, Vittel, Bordeaux, n’est-ce pas dangereux pour ta santé ?

G.M. : La Santé ? oui, si la faute le mérite !...

C.L. : On sent bien chez toi l’influence des groupes de rock anglais : tu te sens plus proches des groupes de chroniqueurs laïcs ou des groupes de crosses ecclésiastiques ?

G.M. : Ah, les groupes qui sentent un peu le catho, j’aime bien…

C.L. : Ton beau-frère, il a vraiment fait le tour du monde en tracteur ?

G.M. : J’ai fait cette chanson « Hymne à mon beau-frère » parce que Christian Hurault, le mari de ma sœur, sillonne vraiment la Terre en tracteur, et joue vraiment du clairon. Il est parti pour faire le tour du Monde, mais a dû s’arrêter en route : il faut dire qu’il a posé la roue du tracteur sur le territoire américain le… 13 septembre 2001 ! Ce serait long a raconter ici, on peut avoir le détail de son périple et de ses autres aventures sur son site www.tractodak.com .

C.L. : Tu as repris une chanson de Roger Riffard, je trouve ça très bien… et, dans ton duo avec Romain Didier, on ressent l’esprit Riffard. Tu te sens proche du bonhomme ?

G.M. : Très. Jusqu’à récemment, je ne connaissais que l’acteur que j’avais vu souvent au théâtre et au cinéma. Lorsque j’ai découvert ses chansons et sa façon unique de les chanter, j’ai eu l’impression de rencontrer un parent proche dont on m’avait caché l’existence.

C.L. : Tu n’es pas très engagé dans tes chansons. Aux rebelles qui te disent « Lève ton poing, camarade ! », tu réponds quoi ?

G.M. : Que ça fait cinquante ans que je lève le poing, et que j’ai bien l’intention de continuer. Je me sens très engagé dans mes chansons. Autant que mon pote boulanger communiste l’est dans le pain qu’il fabrique : mais ce n’est pas pour autant qu’il fait des pains en forme de faucille et de marteau, non, il essaye juste de faire le meilleur pain possible. Une chanson, c’est un peu comme un pain : ça doit être bon et nourrissant pour donner la force et le courage d’aller changer le monde. C’est comme ça que je vois l’engagement, plutôt que comme une bonne parole à délivrer.

Au fond, il me semble qu’être engagé, c’est une posture d’homme, pas de chanteur.

C.L. : Je t’ai entendu dire « Salut France », c’est quoi, ce patriotisme un peu osé ?

G.M. : Ah ! des saluts oui, mais… développe !

Et je salue aussi les italiennes : dès qu’elles sont en France elles mangent des pâtes.

 

 

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Michel Bühler

Michel Bühler est peut-être né un jour de stratus. Un de ces jours de printemps où le plateau suisse est recouvert d’un couvercle de brouillard élevé, terne, sombre et triste.

Mais, lui, il est né au-dessus. Là où le ciel éclate de bleu lorsqu’on monte la côte et qu’on émerge brutalement des nappes cotoneuses qui vous pourrissent la vue, en bas, dans les villes.

Il est né à la montagne.

Dans un de ces coins qui gèlent avant les autres et qui vous fouettent les sangs dès les premiers matins de la vie.

Sur ces crêtes qui permettent de voir loin. De deviner que là-bas, très loin derrière les chaînes rocheuses qui rosissent les soirs d’été, il y a des pays à découvrir. Des gens à rencontrer.

Dans un paysage planté de sapins et de frênes faits pour les climats rudes. Dans un village où les habitants sont plutôt silencieux.

Taiseux, comme on dit par chez nous. Pas parce qu’ils n’ont rien à dire, pas parce qu’ils sont timides, pas non plus parce qu’ils ont peur... Mais parce qu’ils réfléchissent peut-être un peu plus longtemps que certains autres avant de parler... et que lorsqu’ils ont décidé que ce qu’ils avaient à dire est juste, ils le résument en trois mots précis, nets et coupants comme la lame d’une faux.

Il est né là, Bühler. Dans un Jura qu’il n’a jamais quitté bien longtemps. Où il est resté ancré depuis son enfance.

Ce pays d’altitude - oh! pas la haute montagne avec les avalanches, les bouquetins et les neiges éternelles. Non, une montagne juste assez rude pour former des hommes qui ne se laissent pas mener et juste assez bonne pour les nourrir modestement, afin de les obliger à devenir industrieux et inventifs. Une montagne juste assez haute pour que la pente les pousse à descendre vers les autres et juste assez accessible pour les y laisser remonter sans trop de peine, s’y réfugier et y vivre avec bonheur.

Un pays d’horlogers. Précis et méticuleux. Intelligents et inventeurs.

Dans des maisons confortables, organisées pour passer de longs hivers à assembler des montres au coin de la fenêtre, avec le feu qui pète dans le poêle de la cuisine où chante l’eau qui chauffe, les gens de ce pays ont cultivé l’art de prendre le temps. De lire, de faire de la musique, ensemble, dans des chorales ou des fanfares harmonieuses. Ils se sont souvent instruits seuls au long des soirées d’hiver, dans des fermes isolées perdues dans des combes de neiges silencieuses.

Et si, comme partout, ces gens ont des défauts, quelques rancoeurs, quelques jalousies propres à toutes les sociétés, ils ont pourtant su trouver à leur coin de pays des beautés que les autres ne voient pas et par-dessus tout ils ont du coeur. Parce qu’on sait, ici, que la vie n’est pas facile et que, contre la nature hostile, la solidarité est la seule solution.

Alors remplacez les horloges par des chansons et comprenez que je vous décrive ce pays : il a inventé Michel et il explique tout son cheminement, sa route et ses écrits.

Il vous reste à l’écouter. Il vous dira tout le reste... 


Claude Ogiz

 

 

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Dany des Rues

 

CL: Salut Dany

DdR: Salut Lassalle

CL: Dany des Rues, c’est ton nom ?

DdR: Ouais, je vis dans la rue et je me rue dans la vie !

CL: T’en as d’autres comme ça ?

DdR: En fait, c'est Patrice Birbandt, un chansonnier lorrain, qui me l'a soufflée, celle-là. Moi je suis beaucoup moins doué que ça !

CL: Tu peux m'expliquer ta vie d'artiste ?

DdR: Je suis artisan, soit artiste et commerçant. 50% de mon temps (de travail) je travaille mes chansons, le reste du temps j'enregistre, je travaille à la vente, à la com. Voilà pourquoi je cause avec des gens comme toi. 

CL: Tu chantes par amour de la chansonnette ou pour gagner ta vie ?

DdR: C'est devenu les deux. Les chansons que je joue doivent me nourrir. Si elles ne plaisaient pas, je devrais passer à autre chose.

Mais j'écris uniquement par plaisir. Dés lors que je joue devant des gens, la démarche est essentiellement alimentaire.

CL: Tu chantes dans la rue, devant les portes des concerts. Tu dois imposer tes chansons à un public pas venu exprès. Tu fais comment ?

DdR: Les gens s'ennuient en poireautant deux heures avant l'ouverture des portes. Je m'impose « première partie off ». La démarche est très bien perçue puisque j'écoule en moyenne 35 disques par prestation. Il faut préciser aussi que je dois choisir mes spectacles : si je cartonne chez Renaud, Cabrel et Bénabar, je fais un four sur Jennifer et la Starac. On aura compris.

CL: La chanson, c'est de l'art ou du business ou un peu des deux ou autre chose ?

DdR: La chanson populaire, celle qui s'adresse à tout le monde, est forcément rentable. Le business, c'est chercher à tout prix la rentabilité. Y a quelques années, j'ai écrit une chanson Le moral à zéro, convaincu qu'elle serait tout juste sur le disque, mais qu'elle ne marcherait pas en concert. Mais depuis, cette chanson termine tout mes concerts, je n'imagine même pas pouvoir finir avec une autre. Personne ne sait de quoi les gens ont envie, le business n'est pas une science exacte, on peut à peine supposer une ambiance dont les gens auraient envie. Et encore...

CL: Tu dis que le CD va disparaître. Tu peux en dire plus ?

DdR: Le phonographe est une parenthèse dans l'histoire de la chanson. Ça aura duré un siècle, ça aura représenté jusqu'à 50% du pognon de la chanson. Mais très prochainement, tout va rentrer dans l'ordre, la chanson (re)vivra sur scène.

Y a un an, j'ai téléchargé illégalement « Le Fil de Camille ». Du coup, j'ai payé ma place pour la voir aux Nancy Jazz Pulsations, où elle affichait complet, comme presque partout sur sa tournée.

Si l'industrie discographique morfle à hauteur de 33% de son chiffre, les répercussions se vérifient de façon significative sur les tournées. Les labels doivent se réinventer, devenir tourneurs autant que disquaires.

Mon frère qui ne fonctionne plus qu'au MP3 me faisait remarquer combien c'est encombrant d'avoir des disques qui ne contiennent que 12 titres. Le comportement des gens a vraiment changé : fini le temps où on écoutait Morgane de toi ou Sarbacane quarante douze fois par jour. Désormais, on a un album une semaine, le principe de zapping sur le CD (nouveauté par rapport au vinyle) fait qu'on écoute réellement quelques titres d'un album, rarement l'intégralité. Cette conséquence a évidemment changé le travail de réalisation d'un album. Autres temps, autres mœurs.  Très prochainement, la chanson se téléchargera, point final.

CL: Tu dis aussi que sur un album les trois premières chansons doivent taper dans l'oreille. Pas les autres ?

DdR: Souvent dans une chanson, le couplet sert à conduire au refrain. Peu de compositeurs cherchent à le rendre hyper mélodique. S'ils ont une bonne mélodie, ils la gardent pour le refrain d'une autre chanson.

De nos jours sur un album de 12 titres, il y a 4 titres censés être les tubes, 4 titres d'ambiance, écrits pour coller au reste, dans l'idée des sons de l'album, des compétences de l'équipe qui réalise, et les 4 derniers titres, l'auteur cherche des trucs, il fait son Jean Louis Murat.

Je sais que t'aimerais que je zappe de mes disques ce genre de titres, mais si je l'avais fait, j'aurais zappé Le moral à zéro, qui de l'avis de plein de monde est un de mes 5 meilleurs titres.

CL: Est-ce que tu as des secrets ?

DdR: Je crois que j'ai pas mal appris, niveau technique de séduction du public. Quand je te parle de mes offs, les premières parties des grands concerts, je suis conscient d'avoir un monopole. Je crois que personne d'autre ne vit de ça en France. Ben, je peux avoir les pétoches qu'on me lise et que je donne des idées à d'autres.

J'aimerais pas, un de ces jours, voir fleurir des chanteurs de rue devant les files d'attente, qui me niqueraient 33% de mon chiffre ! M'enfin si je t'en parle, c'est que je préfère penser qu'on n’est pas nombreux à être faits pour ça.

CL: T'es heureux ?

DdR: J'ai 36 ans. Avec l'âge, on se satisfait dés lors qu'on ne galère pas, que notre famille est en bonne santé.

Parfois je me dis que j'aimerais jouer toutes les semaines devant un public qui aurait payé sa place pour m'écouter, que toutes  mes dates seraient goupillées par un manageur régisseur. Mais globalement, j'ai pas à me plaindre. Mon précédent disque, Restaurant à Volonté, s'est écoulé à 10 000 exemplaires. C'était le premier disque  lorrain en 2005. Je suis pas le plus à plaindre .

Je flippe plus quand je vois ce qui se passe dans le monde ou si je pense que Sarkozy a ses chances..

CL: Il chante aussi ?

 

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Alcaz'

C.L. : Comment est né Alcaz ?

Jean-Yves : Simplement quand j'ai rencontré Vyvian et qu'elle m'a fait écouter le morceau "La vie va", mes lèvres d'âme plus rapide que mon mental ont fredonné à son pendant d'oreille un "On devrait chanter ensemble". Et, dix minutes, après je me disais : « Tiens ! Y a bien quelque chose de plus fort que moi qui me veut du bien ! »

C.L. : « Mes lèvres d'âme plus rapide que mon mental » ? Tu peux expliquer...

J-Y : Mon coeur a parlé plus vite que ma tête, comme si ma vie profonde savait déjà ce qui était bon pour moi et me guidait d'un souffle court. Tchao la raison, bonjour la passion !

C.L. : Et elle en a pensé quoi, de cette proposition de travailler en équipe ?

Vyvian : Encore une proposition malhonnête et, quatre ans après, je me dis : quelle belle intuition…

C.L. : Et quand entre vous le temps est à l’orage, vous arrivez à chanter ?

V : C'est ce qui donne un morceau comme "Besoin d'amour" nouvelle version, que tu verras sur scène à Reims. Ouvre bien tes oreilles et celles des autres !

C.L. : C'est vrai que vous vous "dites tout" ou c'est juste pour faire beau dans une chanson ?

V : Culturellement, après des années à souffrir de nos secrets, on est d'accord aujourd'hui Jean-Yves et moi, avec cette idée que le dialogue, l'acceptation de ce qui EST, l'honnêteté, c'est bien le départ de la paix mondiale et de l'harmonie. Alors on l'applique à nous deux  pour commencer. 

C.L. : C'est pour ça que vous "marchez fragiles" ?

J-Y : Les certitudes, c'est ce qui tue l'humain, tant qu'on restera vulnérables, fragiles, on sera vivants, c'est dit…

C.L. : Alcaz’, pourquoi avoir choisi ce nom ?

J-Y : Pour le souvenir de l'Alcazar de Marseille, pour aussi parler de notre culture quand on est loin de chez nous, ou parfois si près. Se rappeler d'où l'on vient...

V : Avec une petite apostrophe derrière le Z, pour faire comme une histoire d'amour de A à Z !

C.L. : C'est quoi, la culture marseillaise ? On n'entend pourtant pas l'accent de Pagnol dans les chansons de l'album...

J-Y : C'est d'abord son histoire qui fait sa culture, et puis c'est chanter avec ce qu'on naît.

V : Sur scène, y a pas photo : on vient pas de Lille, surtout moi. Hein, l'homme ?

J-Y : Ok, ok ! Le 9 cube a son accent, mais sa culture aussi... En fait, on est fait de ça à Marseille, ça cosmopolise à fond de cales.

C.L. : Le blues, ça vous parle ?

J-Y : Ça nous chante, oui.

C.L. : Je vous trouve très blues, mais apparemment pas plus que ça ?

V : On n’est pas dans l'esprit de vouloir faire du blues, mais comme c'est l'essence de la musique et que nous sommes à l'écoute de nos sens...

C.L. : Vous avez fait une jolie reprise de « C‘est extra » de Léo Ferré. De qui d'autre vous réclamez-vous ?

J-Y : Béranger, les Beatles, Bob Dylan, Juliette Gréco, Sting, Hugues Aufray, Joni Mitchell, Higelin, Jean-Louis Aubert, Brel et tant d'autres ...

C.L. : Entre "Avec le temps tout s'en va" de Ferré et "La vie va et on s'en va…" de Vyvian : c'est quoi pour vous la différence ?

J-Y : Les hululements de Léo !

C.L. : On ne sent pas qui a écrit quoi ? C'est voulu ou vous êtes si proches ?

V : C'est juste, et c'est un compliment, c'est un arrangement !

C.L. : Comment composez-vous ?

J-Y : Chacun sa chanson... et, depuis quelques mois, deux se sont levées : la première, couplet pour l'une et refrain pour lui, et la deuxième qui s'est dressée face au vent, totalement ensemble.

C.L. : Guédiguian, c'est votre univers ou le hasard d'une photo de pochette ?

V : C'est pas la jambe d'Ariane Ascaride qu'on voit sur la pochette ! Mais effectivement, on peut dire que c'est une belle partie de notre univers en effet, cette simplicité profonde d'histoires d'amour.

C.L. : Le soleil et l'ambiance de l'Estaque ! Vous n'avez pas peur de monter dans le nord ?

V : On n’a peur de rien ! Chaque personne au monde, d'où qu'elle soit, a le coeur chaud bouillant comme le soleil de l'Estaque à midi pile.

J-Y : C'est vrai. Tiens, regarde… On a joué au Canada il y a deux mois et bien, sous moins vingt, il y a toujours quelqu'un qui chante avec toi ; ça transpire du coeur.

C.L. : Une de vos dernières s’appelle « Emièle-moi », qu’est-ce que ça signifie ?

V : Emmièle-moi avec deux M , double love !!! 

J-Y : Finis les grands discours, tout c' qui mène en bateau, on va jouer dans la marge coquine, du cash !

C.L. : Autre chose ?

V : On parie tout sur scène !!! On va tout vous dire…

J-Y : On arrive !

 

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Jean-Claude Mérillon

Mérillon naît au siècle dernier, on ne sait pas quand exactement, ni avant, ni après JC, sans doute en même temps. Du coup, on le prénomme Jean-Claude. On ne sait pas non plus où il naît, dans un étable ou un palace. Il vit aujourd'hui dans une ville de banlieue et en tire un certain orgueil. Quand on lui demande : « T'habites Bondy ? », Il sourit...

De son vrai nom « Mérillon », le petit JC grandit dans un village abandonné où il s'abandonne, il cravate les lapins dans les vignes, apprend la vie en courant à poil dans les rues désertes, vit de braconne et de rapines, se nourrit de fraises de bois et s’abreuve à la fontaine. Très vite, il prend conscience que le travail, c’est pas pour lui ! A dix-huit ans, au mariage de sa cousine, il fabrique du scotch avec l’eau minérale, d’où son surnom.

Passionné par l’histoire, la Révolution Française et l’Égypte, il part sur les traces de Champollion et étudie les pharaons. Plus tard, il en fera une thèse, prétendra que ça coûte cher de se faire empailler et que les esclaves, avec leurs 35 heures et leurs avantages acquis, sont bien mieux lotis que les pharaons !

En mai 68, il monte à la capitale et se fait coffrer comme agitateur. De cet épisode de sa vie, il retient deux leçons. La première lui vient d’une réflexion de Louis XVI : « Comment n’ai-je pas compris, au fond, qu’un sans-culotte, quand on le baise, ça ne baisse pas son pantalon ? » La seconde sera une reprise de Cohn-Bendit : « Comment n’ai-je pas compris, au fond, qu’ la république de 68, j’ crois qu’on l’a eue dans l’ pantalon ? »

Il s’exile alors au Tibet comme lama tibétain, mais ça se complique vite. Inlassablement, suivant la route en lacets qui le menait à Lhassa, il en a eu assez. Il s’est défroqué pour les beaux yeux d’une mémé, qui est devenue sa nana, il aimait ses nénés...

Il revient ensuite à Paris et, avec son ami Jean Brémond et sa guitare, il écume les p’tits lieux de la capitale. Ils en font des galères en chanson, tous les deux, avec son pote. Tout le monde dans le quartier s’en souvient : y avait Brémond et y avait Mérillon, c’était pas de la gnognotte ! Cabaret du Marais, c’est souvent qu’y s’marraient ! Ils chantaient au Pétrin, ils étaient dans l’pétrin ! Y avait aussi Tania qui n’ chantait jamais, mais aimait les gratteurs de guitare, chez elle y avait toujours vodka ou beaujolais, ça aidait à mieux tenir la barre…

Les tournées en province s’enchaînent et, comme d’autres à Woodstock, c’est à Roudon qu’il connaît son heure de gloire. Au Festival de Roudon, y a qu’ des poules et des cochons, trois canards et un dindon, mais c’est bien mieux que celui d’Avignon…

Après de longues études, longues et studieuses, il s’inscrit comme auteur au concours de la SACEM qu’il réussira, tout comme Brassens, à sa troisième tentative. Bardé de diplômes, il affronte le show-business.

Mais à la même époque, dans le quartier de la rue Mouffetard, traînent les Higelin, Lavilliers, Thiéfaine et autres débutants, dont un certain loulou aux pattes arquées qui laisse béton. En l’entendant, Mérillon a la révélation. Il se dit que ce sera lui ou lui et ce fut lui !

Il innove alors et devient l’un des maîtres du rock mou, c’est un échec. Il abandonne la chanson et découvre le monde de l’entreprise qu’il aborde avec un concept révolutionnaire : le cercueil à deux places, spécial couple. L’affaire prospère, puis s’effondre : le seul inconvénient, c’est qu’il faut casser sa pipe en même temps !

Récemment, pour se faire du fric façon Bill Gates, il s’achète un ordinateur et monte à l’assaut de la Toile. Il se connecte et crée un site pour voir sa gueule sur le réseau, il chope un virus et c’est encore un échec. Il renonce encore une fois, conscient que, sur le net, il est pas net !

C’est aujourd’hui un vieux coureur de brousse, il a tous les chacals à ses trousses et, dans sa banlieue, il vit dans un HLM. C’est chouette, c’est la volupté. Le parking, c’est gratiné, faut faire la queue comme au ciné. Les ascenseurs, c’est du suspense, ça s’arrête jamais oùsqu’on pense. Le vide-ordures, c’est très pratique pour ceux qui rentrent avec une cuite, ils s’y soulagent autant qu’ils veulent, sans qu’ derrière eux on s’ casse la gueule. Les cafards se baladent comme chez eux et y a un arbre bien tranquille qu’un architecte a oublié.

Pour finir, il entre en politique. Avant Nicolas Hulot, il propose une solution à la déforestation. Son slogan de campagne sera : « Si on peignait les cons en vert, on s’ croirait à la campagne » . Subissant également les pressions de tous les partis et des grands de l’industrie, il se retire et décide de reprendre sa guitare.

Tous les plus grands spécialistes en la matière s’accordent pour dire qu’il y a trois grands dans la chanson : Brassens, Ferré et… pas Brel !

Mais il est tard, il faut qu’ je boucle ma page et j’ai beaucoup parlé de sa vie. Il ne me reste que peu de mots pour en dire deux à propos de son œuvre. Juste dire alors que son œuvre, c’est sa vie… et sa vie fera escale à Reims en mai prochain. Venez donc nombreux pour y découvrir son œuvre… C’est simple !

Christian Lassalle

 

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Louis Ville

CL : Bonjour. Je viens de découvrir « A choisir », ton dernier album. Je dois dire que c’est grâce à ce hasard qui fait bien les choses que l’album tourne en boucle sur ma platine. Et comme il faut bien commencer cet entretien, autant se  débarrasser tout de suite de la question bête : si je dis Arno, Arthur H, Tom Waits, je suis  lourdingue ?

Louis Ville : Si je disais oui, je mentirais un peu, si je disais  non, je mentirais encore plus.

CL : Si je parle de  Jamait, Vladimir Vissotsky ou Travis Bürki, c'est pareil  ?

LV : Si je disais oui, je mentirais un peu, si je  disais non, je mentirais encore plus.

CL : « A choisir »,  c'est ta chanson préférée du dernier album ?

LV : C’est la première chanson qui  se trouve sur un de mes albums capable de m’émouvoir et pour ça, oui, c’est  ma préférée.

CL : « A choisir », c’est aussi le nom de ton dernier album, mais… à choisir entre Sarko, Sego et Bayrou, on garde  quoi ?

LV : Le nom des lessives change, le résultat est le  même.

CL : Pourquoi finir l'album avec ce Nicolas-là ?

LV : Quant à terminer sur cette chanson, je suis un peu dérouté par la  passivité des gens devant la menace d’un nouveau “Nicoléon Sarkoparte” et  ce petit lieutenant est un beau parleur dangereux. Comme il ne  m’intéresse pas, mais que je ne suis pas autiste, ce morceau est une façon  d’exprimer mon opinion sur cet homme de petite taille, il ne mérite pas  plus.

CL : Pour  l'intermittence, ça te fait peur ?

LV : Je crois qu’ils ont déjà fait ce que la connerie humaine fait de mieux, mettant dans une situation précaire des tas d’artistes et de techniciens au talent indéniable. Ils aimeraient très certainement que l’on revienne au mécénat, au temps où l’artiste était obligé de brosser dans le sens du poil son bienfaiteur. Comme ça, les saltimbanques n’auront qu’à fermer leur gueule ! C’est ce qu’on nomme la liberté artistique de droite....

CL : Louis Ville, c'est du rock ou de la chanson ?  

LV : Voilà la question !  Ai-je une réponse ?
Je vais répondre comme Alain Delon : Louis Ville est une éponge qui a  eu le merveilleux privilège de naître dans un pays où toutes sortes de  courants musicaux se sont croisés, ont flirté ensemble avec plus ou moins de  réussite. Mais le fait est que j’ai tout avalé, gourmand que je suis,  depuis le début des années soixante, et aujourd’hui je digère  encore.

CL : Et Brel ?

LV : Brel m’a fait chialer, “à choisir” est mon hommage, et tant  d’autres m‘ont bouleversé... 
Bref, je ne revendique aucune famille, ça  m’énerve !

CL : On n’y peut rien. On  écoute, on trouve des ressemblances, parce qu'on en cherche et qu'on a  besoin de "ranger" dans des boîtes, mais aussi pour donner envie de partager  avec les autres. Et, à la fin, on se dit que c'est du Ville !

LV : Je suis ce que je suis, heureux de ne pas pouvoir être  catalogué.

CL : Y a  beaucoup d'amour dans tes chansons !

LV : L’amour est le thème parmi les thèmes, qu’il soit heureux ou malheureux, c’est encore ce sentiment que personne ne contrôle, gratuit, et qui vous mène en des contrées extraordinaires ou pitoyables, vous transporte vers l’infiniment grand ou l’infiniment petit. J’aime l’amour, qu’il soit fraternel, charnel, passionnel, fusionnel. Et donc il m’inspire sous toutes ses formes.

CL : Et l'amour  maternel ?

LV : Pour ce qui est du “maternel”, j’ai encore jusqu’à la fin de ma vie pour faire mon “travail” dessus, mais je ne pense pas pouvoir écrire quoi  que ce soit, ce doit être une forme de pudeur...

CL : Je voyais dans « L'Ange » une chanson de cet ordre-là. Non ?

LV : On pourrait le penser, c’est vrai. Cette chanson est une commande sur le thème du SIDA et autres MST et la difficulté à concilier la vie de plaisir avec ces fléaux dévastateurs. Et la jeune fille qui s’émancipe, devient femme, ne comprend pas les craintes de sa mère, elle ne désire qu’une chose, voler, jouir de cette nouvelle vie qui s’offre à elle. Et je la comprends, le SIDA n’avait pas encore fait son apparition à l’époque où je butinais allègrement les fleurs de la vie avec une insouciance libertaire et je n’aurais pas compris que l’on vienne m’emmerder à ce moment là…

CL : Et Dieu dans tout ça ? Dans ton hymne à l'amour qui s'appelle « L'Amour », comme dans « A choisir », tu les égratignes un peu, les bigots radins et ceux qui prient pour ne pas aimer !

LV : Encore un qui m’énerve bien, tellement il est absent. C’est le paradoxe de l’humanité, cette entité. Faut être sacrément gonflé pour se prétendre de confession catho, juive, ou... (on met ce que l’on veut), prétendre avoir un dieu qui guide nos pensées et être aussi égoïste, méprisant et ambitieux. La droite s’est toujours convaincue que dieu est amour, où ça ?

 CL : Jean-Louis Foulquier a dit que  Ferré aurait été content de ta reprise de  « Y en a marre » : t'es d'accord ?

LV : Il ne m’est pas venu à l’esprit d’imaginer ce  que Ferré aurait pu penser, cette chanson est un hymne révolutionnaire, donc  universelle. Son fils m’a dit que lui en était très  content.

CL : C'est du rock,  Ferré ?

LV : Et Johnny, c‘est du rock ?
Dans la modernité et l’engagement des propos, oui, pour moi, c’est rock, mille fois plus que le futur belge.

CL : La  « complainte de Kesoubah » de Tranchant : pourquoi ce choix ? Casse-Pipe l'a  chantée : tu connais ?

LV : J’ai partagé une scène avec feu Casse-Pipe, je connais.

C’est au travers  de Marianne Oswald que  j’ai connu cette chanson. Je suis un grand fan de cette dame qui a chanté de  magnifiques poètes, de Kurt Weill à Prévert en passant par Cocteau... et Jean  Tranchant.
La complainte est encore d’actualité, même si elle décrit un  quotidien désuet, il suffit de transposer et le sens est toujours  là. C’est un morceau très rock dans le ton et les  propos.

CL : Tu peux préciser "rock  dans les propos" ?

LV : Comme déjà dit plus haut à propos de Ferré, c’est dans le texte que je trouve la puissance rock’n’roll, cette insolence qu’il faut replacer dans le contexte de l’époque.
Marianne Oswald, entre les deux guerres, déclenchait des affrontements très violents lors de ses concerts, les uns la trouvant révolutionnaire anarchiste méprisable, les autres l’adulant comme l’égérie de la révolte contestataire. Et quand on déchaîne tant de passions, il y a du rock dans l’air.

CL : Mais la chanson réaliste française me semble aussi faire partie de ton univers ? "Mon amant de Saint-Jean", en titre à peine caché sur Hôtel Pourri, c'est un hommage, un clin d'oeil ou une provoc' ?

LV : C’est un plaisir égoïste. Il est rare de se retrouver devant une chanson comme celle-ci et de se dire qu’on pourra la chanter, lui apporter son flot d’émotions. Pas d’hommage dans tout ça, juste une mélodie, des paroles simples qui, quand vous les interprétez, vous transportent très loin.
Puis quand j’ai entendu la version de Bruel, j’ai arrêté de la chanter, le mal était fait.

CL : Pourquoi  chanter « les  ours » sur ce dernier album ?

LV : Il me fallait un animal avec une certaine  ambiguïté, l’air doux, symbole de l’enfance et des beaux rêves. Il  fallait aussi que cet animal soit un monstre de puissance, dangereux,  prédateur à ses heures et vert de temps en temps. Il existe une tradition  dans ce domaine de la caricature et je n’ai fait que suivre les voies qui  étaient déjà tracées

CL : François Pierron tient la contrebasse sur « Attends-moi ». Qui dit Pierron, dit Loïc Lantoine. Et sur le dernier album de Lantoine, il y a "Jour de lessive". Texte qui n'est pas de Lantoine, mais de Gaston Couté. Et ce texte est proche de "L'Ange"...

LV : On est aussi dans le même ordre de rapport, c’est vrai. Couté, je ne connais pas, m’en vais essayer de découvrir son univers. Je ne suis pas un érudit, le hasard, les rencontres font que je tombe sur un poète qui me touche, me parle, alors je me tente à le chanter.
La littérature qui m’accompagne depuis toujours est anglo-saxonne, ce sont des grands qui m’ont aidé à forger mon imagerie réaliste et le plaisir de les lire est intact malgré les ans.

CL : Qui sont ces grands ?

LV : Ces grands sont Cormac McCarthy, Burroughs, Kerouac, Morrison, Roth, Himes, Charryn, et des tas d’autres. Ils ont à mes yeux tous le goût du réalisme sublime, une imagerie magnifique, ils savent me faire voyager.

CL : « Hôtel pourri », ça te  semble loin de ce que tu fais maintenant. Tu as l'impression de faire autre  chose aujourd'hui ?

LV : « Hôtel pourri » n’est pas loin, mais comme mes chansons participent de ma thérapie, on enlève une couche et une autre problématique se tient toute prête à surgir. C’est une chanson que j’interprète toujours avec autant de plaisir et d’émotion.

CL : Je ne parlais pas de la chanson « Hôtel pourri », qui est très chouette. Je parlais de l'évolution de Louis Ville depuis 1999, sortie de l'album « Hôtel Pourri », qui est un bon album.

LV : Quant à l’album, je ne regrette rien, le mixage s’est fait sans moi, c’est la seule chose que je voudrais refaire. Si j’étais resté figé sur chaque période de ma vie, à exploiter mon filon, je ne pense pas que je pourrais être heureux en regardant derrière moi.

CL : Alors en quoi Louis Ville a changé en près de huit ans ou est-il toujours dans la même logique ?

LV : Je vais où le vent me mène, la logique est toujours la même, simple et constante, se faire plaisir, observer, jouir, pleurer, en bref, ça s’appelle vivre.
Le temps passe et huit années sont une belle tranche de vie où des tas d’événements m’ont émerveillé, endeuillé, énervé. Je suis suffisamment lucide sur mon travail pour savoir que la route empruntée n’est pas la plus facile, chaotique à souhait. Mais je ne me suis pas encore perdu et ai l’impression d’avoir conservé cette même logique, cette constance.

CL : Et si le vent te mène au théâtre de l’Albatros le samedi 29 septembre, Reims Oreille sera heureux de t’accueillir.

LV : C’est noté…

CL : en attendant, on peut trouver l’album sur ton site : 
www.louis-ville.com

 

 

 

 

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Yannick Delaunay

CL = Bonjour Yannick, une question bête : pourquoi chantes-tu ?

YD = Au début, c’était pour exister, puis un peu pour plaire aux filles, puis pour faire l'intéressant. Maintenant, c'est pour parler au côté gentil des gens.

CL = Et La musique ?

YD = J'aurais dû être pianiste, mais je racontais des histoires en même temps. Au bout d'un an, la prof en a eu marre d'entendre la première leçon de la méthode rose et elle m'a mis à la flûte pour me clouer le bec. Perdu ! Après une vaine tentative à la trompette, j'ai refait le rossignol en découvrant la guitare, que j'ai apprise en grappillant à droite à gauche.

CL = Trénet, les Beatles, Neil  Young, la samba brésilienne, ça te parle, tout ça ?

YD = Tout me plait. Mon premier disque c'est « Harvest » de Neil Young, puis Deep Purple, les Stones pour l'énergie. Mais mon truc, c'est les Beatles, les doubles « bleu et rouge » pour les mélodies et les chemins harmoniques. J'adore donc Bach, j'ai acheté un coffret entier de Rachmaninov pour deux mesures d'une symphonie. Je suis toujours ému par la pastorale de Beethoven (surtout dirigée par Colin Davis). Pour le reste j'ai les oreilles qui traînent, autant pour le folklore que pour le reste.

CL = Et la chanson française, les guinguettes sur le bord de la Marne, Luis Mariano, ça te dit quoi ?

YD = ça me dit la guinguette de l'île du Martin Pêcheur à Champigny sur Marne 94. J'y joue depuis près de quinze ans avec des accordéonistes, on revisite le répertoire : ça  me permet de me rappeler d'où je viens aussi. Au niveau des chansons en général, c'est là que je citerais Trenet, Piaf, Brassens. Mais plus que des noms, ce sont les chansons que j'aime,

Je n'ai pas d'idole interprète, mais  j'aime la joie de Mariano et, quand on chante du Scotto, ça fait souvent du bien, pour qui chante et pour qui l'entend.

CL = « A peine, un peu », c'est un tube… et pourquoi on l'entend pas à la radio ?

YD = Parce que ceux qui décident de programmer à la radio ne la connaissent pas ou ne l'aiment pas. Je ne suis pas doué pour la com et, je sais, je ne fais pas tout ce qu'il faut . Mais parfois l'idée d'aller me vanter du genre « écoutez comme c'est génial ce que je fais » , ça me dérange. Ce n'est pas de la fausse modestie, ni un manque de confiance, mais j'aimerais bien que quelqu’un d'autre se charge de cette besogne.

CL = Pourquoi tu te moques de Berck ? T’aimes pas ?

YD =  J'aime, au contraire ! On y croise rarement ces  imbéciles qui prennent la plage pour un podium de défilé de mode ou de concours de culturisme. Parmi des gens mal en point, ça ferait désordre. Du coup, y a plus de place et les gens sont sympas. « Berck, ville d'eau ou d'os », c'est au choix.

CL = Les moissonneuses-batteuses, t'as connu ça ?

YD = C'est une histoire vécue, chez un oncle près de Rostrenen, un jour et une nuit d'août, un étrange ballet d'insectes géants, migrant vers d'autres champs...

CL = T’as l’air gentil de l’Ange au Sourire de la cathédrale de Reims. Tu le savais ?

YD = La gentillesse, ça me plait bien, mais cet ange a quand même un air fripon ! Et ça me plait aussi. Je ne suis pas fâché avec Dieu, même si ma manière de croire est assez fantaisiste !

CL = Et ton air "la tête dans les nuages" qui donne à ton tour de chant un côté apaisant, c'est peace and love ou t'es un rebelle ?

YD = A chacun d'y voir ce qu'il veut. La révolution par la force, je ne suis pas d'accord. Pour certains, je suis un idéaliste, un utopiste, pour d'autres, il y a d'autres moyens pour arriver à plus de justice et de partage. C'est pourquoi je chante - sans jamais le dire directement - pour un peu plus de bonheur, je ne suis pas politisé et je ne veux pas être instrumentalisé.

CL = Tu peux me dire deux mots de Jean Arnulf ?

YD = Ce fut mon parrain d'accueil quand je suis arrivé à Paris. Il mettait des petits mots gentils sur mes prospectus, son dernier anniversaire fut très touchant. Je me suis réservé « Rondin-picotin ». Puis, peu de temps après au père Lachaise,  quelqu'un a dit pour lui rendre hommage qu'il était un extra-terrestre dans la chanson et là il rentrait simplement à la maison !

CL = Et tu as écrit avec Allain Leprest ?

YD = Dans une cuisine à Bourg la Reine, on s'était réunis à une dizaine autour de Marie Malet pour lui faire un répertoire en une nuit. J'avais pas d'idée de texte et Allain n'avait pas de musique, alors on a fait « la Dame du dixième » et, à l'aube, la copine avait son tour de chant tout neuf...

CL = Et parle-nous de ton ami Jean Dubois...

YD = Je suis parti dans une nouvelle aventure, j'ai la chance de connaître Jean Dubois qui, pour moi, est très talentueux dans son métier d'artiste et très artiste dans la vie. Bref, on s'entend bien. J'ai longtemps hésité à lui demander de l'aide et puis ça c'est fait sous son impulsion.

J'ai souvent rêvé de jouer avec des musiciens, j'ai même eu une brève expérience sans suite, je tends plutôt vers un esprit  fraternel. Alors, l'orchestre  c'est Jean pour l'instant (au piano surtout). Les chansons sont posées, une contrebasse va ensuite nous rejoindre et, quand tout sera calé, on invitera un batteur percussionniste. Nous avons déjà joué à deux à la Taverne du port à Ivry et au Limonaire à Paris. La première fois, j'ai posé la guitare pour une chanson et puis, la deuxième fois, j’ai chanté six chansons "mains libres" : ça change beaucoup de choses.

Nous avons des projets sérieux,  pour la Belgique, puis à Poitiers en octobre (en plus d'un spectacle "Chansons pour les gens " avec Yannick Le Nagard à Magnanville chez Alain Leamauff.) Dès que nous serons prêts avec la contrebasse, nous prendrons les dates avec ceux qui me les ont déjà demandées : Le Gobe Lune (Paris), Le Café Curieux (Morsan-sur-Orge),  le Limonaire (Paris), et le Picardie (Ivry). Le premier objectif est de décrocher une place pour le festival de Marne 2008…

Et bientôt un nouveau CD et un petit peu d'images qui bougent ?

 

 

 

 

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Chtriky

CL =  Chtriky, c'est qui, c'est quoi ? 

Hervé Peyrard = Il est vrai qu’avec un nom pareil, on s’expose aux questions ! Chtriky c’est le nom d’un groupe, un trio, dont je suis le chanteur. Quand on a créé le groupe en mars 2005, on s’est fait le sketch des musicos qui cherchent un nom super. On a dit tout un tas de bêtises, de chouettes noms aussi, mais rien... Et puis, alors qu’on enregistrait notre première maquette sur l’ordi d’un ami, il m’a demandé l’orthographe de Chtriky, titre de la première chanson que j’ai écrite et aussi la première qui a sonné avec le groupe. Et, presque à l’unisson, on a dit : le voilà notre nom, il est improbable, mais c’est celui-ci, pas de doute.

En plus, ça fait Qui Triche en verlan ! Les Chtriky sont l’envers de ceux Qui Trichent, donc les Sincères, les Cœurs purs... Bon là, peut-être que c’est trop ! ? !

CL =  Tu viens du théâtre, la chanson, c'est venu après ?

HP = Je viens du théâtre, mais je n’en suis pas reparti. Je continue à jouer et à mettre en scène. La musique est venue après et pourtant n’a jamais été très loin de moi. Je grattais quelques accords au lycée, sans plus, et puis à l’âge de 25 ans, je me suis senti très frustré de ne pas savoir jouer d’un instrument, alors j’ai acheté un saxophone et je me suis inscrit à un cours. Ensuite je suis parti dans l’aventure de « Gérard Morel et Les Garçons Qui L’Accompagnent », je me suis mis à la basse, à la clarinette, à la guitare et je me suis engouffré dans le monde de la chanson et de la musique. Ça tombait très bien, à cette période j’avais besoin de changer ! En plus, c’était en 1998, la scène chanson commençait à bien bouger avec Bénabar, Sanseverino et plein d’autres, c’était très stimulant. Tout ça m’a donné envie d’écrire et j’ai profité du théâtre pour me jeter à l’eau et faire mes premières chansons. Et là ça a vraiment été le choc ! En écrivant j’ai ressenti quelque chose de comparable aux frissons des premières, un état un peu abandonné, un peu déconnecté, la sensation de créer un truc juste. C’était carrément bien alors j’ai eu envie d’y retourner et c’est toujours bien !

CL =  Tes acolytes de Chtriky, tu peux en dire deux mots ?

HP = À la guitare Sylvain Hartwick et aux percussions Ludovic Chamblas. On se connaît depuis tout le temps ou presque. Avec Ludo on était à la maternelle ensemble et avec Sylvain on s’est rencontrés au lycée. Autant dire qu’il y a du background. On a fait pas mal de choses ensemble... et finalement assez peu de musique !!! Ensuite, la vie nous a emmenés à droite, à gauche et puis on s’est rapprochés à nouveau, Sylvain et moi. J’avais six chansons, il les a trouvées bien, Ludo nous a rejoints presque tout de suite et c’est parti !

CL =  Chtriky, c'est ton groupe ou votre groupe ?

HP = C’est « mon groupe » pour tous les trois ! On cultive l’individualisme de groupe !

Pour ma part, je balisais à l’idée de chanter mes chansons devant des inconnus et, si je n’avais pas été entouré de mes amis, ça aurait sûrement pris plus de temps, même si eux balisaient aussi. On s’apprécie simplement tous les trois, il y a du respect entre nous, un respect sans chichi, mais vraiment présent, on sent qu’on s’enrichit. Je me sens moi-même quand je suis avec eux.

Sylvain et Ludo chantent super bien, ce sont des choristes de luxe, mais ils ne sont pas candidats pour aller derrière le micro. Quant aux compos, je m’occupe des mots et des mélodies, mais sur le prochain album il y aura deux chansons qui sont nées de propositions musicales de Sylvain. Et sur scène on chante déjà une chanson de Sylvain.

CL =  Les projets  d'Hervé Peyrard passent d'abord par Chtriky ou ça n’est qu’une facette de l’artiste ?

HP = Mes projets passent d’abord par Chtriky, mais j’ai la chance de faire partie d’une bande d’artistes qui génère du travail et je suis toujours sur plusieurs projets en même temps. C'est une chance de pouvoir multiplier les expériences, de rencontrer d'autres équipes, je suis convaincu que ça apporte beaucoup à Chtriky. Mais on peut dire aussi que Chtriky est un élément de ma vie professionnelle, je sais que ça s’arrêtera... mais je ne sais pas quand ! C’est le charme de ce métier...

CL =  Sur le DVD Tranches de Scènes consacré à Gérard Morel, on voit deux jeunes ados sur une vieille photo. On croirait des Garçons qui l’Accompagnent  !

HP = Ça en est ! Du pur « Garçons qui l’Accompagnent » âgés de 16 ans. Luc Chareyron, professeur émérite en Pifomètrie, chercheur de renom, et moi, on faisait notre premier stage de théâtre avec un certain Gérard Morel. On peut dire que ça constitue la base et ensuite, disons qu’on s’est peu quittés.

CL =  Et Gérard Morel dans ton parcours ?

HP = On a vécu tellement de trucs ensemble. C’est un ami, un frangin. Un jour on a même sauté en parapente, c’est pour dire !... Et plus particulièrement en rapport à Chtriky, je lui dois de m’avoir embarqué sur la scène de la chanson.

CL =  Gérard Morel et les Garçons, c'est fini ?

HP = Gérard Morel et les Garçons qui l’Accompagnent c’est fini de chez fini, on a fait la dernière cet été à Vaour, dans la joie. On a commencé en 1998, ça fait un bon bout d’ chemin et ça restera une de mes plus belles aventures. Gérard Morel continue avec le Duette qui l’Accompagne et avec Toute la Clique qui l’Accompagne. Gérard m’a demandé de l’aider sur la mise en scène des deux projets et je joue du sax ténor dans la Clique qui doit se créer le 31 janvier à Chambéry. Et Ludo, le Chtriky-batteur, joue aussi dans la Clique.

CL =  Le groupe Entre Deux Caisses chante un titre de Chtriky, c'était avant ou après Chtriky ?

HP = C’était au tout tout début de Chtriky. J’avais cette chanson, « Une petite vie », et en rencontrant les Entre 2 Caisses je me suis dit qu’elle serait bien chantée par eux. Alors je la leur ai proposée. J’avais la trouille,  j’avais peur de passer pour un schtroumpf. Et puis ils l’ont trouvée bien. Et… ils la chantent bien. ça m’a vraiment donné confiance et ça a conforté mon envie d’écrire.

CL = Après Barjac, Avignon, Chtriky est sur la bonne voie ?

HP = La saison dernière a été bien pour Chtriky, on a eu de très bons retours sur notre premier disque, quelques bons articles et on a fait une quarantaine de concerts. Les festivals d’Avignon et Barjac se sont bien déroulés et commencent à déboucher sur des dates au printemps 08 et en saison 08/09. Donc l’avenir, c’est la tournée avec le trio, mais aussi l’enregistrement du deuxième disque, dont la sortie se fera en même temps qu’un nouveau spectacle début 2009 pour lequel Chtriky va s’enrichir d’un autre musicien.

 

 

 

 

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Vania Adrien Sens

 

                  15 h : Je charge l’orgue, la carriole et les boîtes de cartons de musique par la porte arrière de mon fourgon qui, pour une fois, n’est pas bloquée.

Le ciel est couvert, mais il ne pleut pas. La circulation n’est pas trop difficile, les Parisiens ne sont pas tous rentrés de vacances. Je trouve une place pour me garer dans l’étroite rue Claude Bernard.

Je pousse la carriole sur les pavés de la rue Mouffetard que je remonte, Je salue au passage Gégé qui est déjà là avec la dernière fournée du Charlie Hebdo qu’il vend à la criée chaque samedi avec ses palindromes et poèmes, tapés à la machine dans de petits livrets qu’il fabrique. Gérard Durant, Gérant du Rare, était le secrétaire de Mouna et il a gardé l’ironie et la diatribe de ce fameux poète de l’utopie.

Dans la rue, il faut savoir se placer : choisir de préférence les zones piétonnes afin d’éviter les bruits de moteur, tenir compte du sens du vent et avoir un mur dans le dos pour renvoyer la musique. Pour ne pas trop se fatiguer le bras en tournant la manivelle de l’orgue, il faut se tenir sur le bord d’un trottoir en laissant la charrette sur la chaussée en contre bas, comme le cycliste règle la hauteur de la selle de son vélo, la jambe tendue, le pédalier placé au bout de la chaussure. Pour la voix c’est pareil, pour éviter la fatigue, il est conseillé des faire des pauses de temps en temps..

                16 h : Je m’installe à l’angle de la rue de l’Arbalète, face au marchand de fruits et légumes, accroche la manivelle, puis place le carton qui me sert à accorder les flûtes de l’orgue. Comme la dernière fois, j’ai une flûte en panne que je bouche. Il faut dire que mon orgue tourne sa musique avec courage depuis plus de vingt ans et attend, avec impatience, l’instrument qui le remplacera cet hiver, pour qu’il se repose un brin. Mais notre remuant président de la république acceptera-t-il ce repos et cette retraite ? Je place comme à chaque début de séance un morceau musical qui me permet de savoir comment se comportera l’orgue cet après midi. Le Printemps de Vivaldi est une musique qui utilise toute les possibilités de l’orgue de barbarie. Cet arrangement de Pierre Charial est un vrai baromètre musical. Grâce à ce morceau, je peux choisir les chansons qui passeront le mieux aujourd’hui. Pour me mettre en voix, je tourne l’orgue en chantant l’Âme des poètes de Charles Trenet, pour travailler les basses, et le Barbier de Belleville que chantait Serge Reggiani, pour assouplir les cordes vocales,

                17 h : Déjà une heure que je chante ! Les badauds, les touristes, les enfants se font plus nombreux. Et voilà qu’arrive Viviane, une habitante du quartier qui restera tout l’après midi à m’accompagner en chantant et en dansant. J’ai toujours dans ma carriole des petits formats, livrets de chansons pour les passants qui veulent m’accompagner dans les refrains.

Parfois, un badaud me demande comment fonctionne l’instrument. Alors pour assouvir cette curiosité, j’ouvre la machine et explique son fonctionnement. Le système Jacquard de cette mécanique tisse infatigablement depuis plus d’un siècle les notes de cette musique étonnante. Cet instrument magique attire comme un aimant les enfants et je laisse parfois le badaud tourner un peu la manivelle. Souvent une auréole de poussettes m’entoure et quelques gamins dansent une ronde sous le tintillement des flashs des appareils photos numériques. Je dois me trouver dans un bon nombre d’albums de photos ! Et les téléphones portables, cette lubie récente, qui enregistrent ma musique sans me demander mon avis. Je me retrouve maintenant compilé et prisonnier dans des répondeurs téléphoniques !

                18 h : Deux heures que je chante ! J’alterne les chansons toniques comme Mexico, Padam, celles de Piaf, de Léo Ferré, par des morceaux plus calmes comme Trois petites notes, le Tourbillon ou l’Âme des poètes de Trenet. Les chansons de Georges Brassens et de Bobby Lapointe sont maintenant connues des enfants, les enseignants les font travailler aux élèves à l’école et c’est une joie de les accompagner.

Au milieu des cris des marchands qui appellent leurs clients, il m’arrive de croiser des SDF, qui me saluent et me considèrent un peu de la tribu, bien que je leur enlève un peu de monnaie de leur gagne-pain (si ce n’est de leur gagne-vin). Car il est vrai que nous travaillons un peu dans la même cour, ‘’ la cour des miracles’’.

                19 h : Plus de trois heures que je chante et ma voix commence à fatiguer. Il me faut décrocher, car demain, comme souvent le dimanche, je joue sur la place du Marché d’Aligre derrière la Bastille. Ce samedi n’est pas mirobolant, je trouve cette rentrée terne, morose, grise, sarkosienne quoi. Ce soir, ils vont certainement perdre au rugby, au foot, au tennis ou dans je ne sais quel jeu télévisé.

 

Pour moi, c’est au Verre à Pied, le bistrot-tabac-exposition des artistes du quartier de la rue Mouffetard que tout commence et tout finit. C’est là que le cœur du quartier latin bat. Là, il y a la table où Mouna écrivait ses diatribes. C’est devant ce bistrot qu’il y a cinquante ans un tourneur d’orgue de barbarie m’a donné envie de faire l’artiste. Et c’est dans ce quartier que j’apprends aux minots à tourner de la musique et - qui sait peut-être ? - dans un demi siècle il y aura un autre saltimbanque qui fabriquera de la chanson.

C’est à la Mouff, à la Contrescarpe que j’ai abordé le spectacle. C’est à la Compagnie du Bus, petit théâtre installé dans un autobus. Au Théâtre Mouffetard et dans les cabarets rive gauche de ce quartier. Bien des artistes connus de la scène ont fait école dans ses lieux : Lavilliers, Higelin, Coluche, Le Forestier... A la Mouff’, à chacune de mes visites, je rencontre des compagnons artistes, le public passe et repasse sa nostalgie dans le quartier et me demande des nouvelles d’untel ou d’untel.

Voilà, maintenant je remballe ma musique, je redescends la rue Mouffetard. Chouette, pour une fois je n’ai pas de contravention. Zut ! Le hayon arrière du fourgon est encore bloqué, il faut que je démonte les sièges et que je charge ma musique par le côté, j’en ai pour une demi heure. Enfin, au moins, il ne pleut pas alors ! Alors... passons la monnaie, mes mômes compteront la ferraille avec un peu de retard. Allons, allons ! Roulez jeunesse ! Que vive la Musique et qu’on se le dise !!!

Vania Adrien Sens - Septembre 2007

 

 

 

 

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Marc Servera

CL : Bonjour Marc. Ton parcours chanson est un peu particulier : tu peux nous en dire deux mots ?

MS : Salut Christian. Disons que je reviens d'une erreur d'aiguillage. J'ai d'abord fait des études, puis un peu de vie dite active, et puis la passion de l'écriture et de la musique a repris le dessus. J'essaie depuis quelques temps de me remettre sur les rails, les miens. Une affaire de sens.

CL : Une chanson, pour toi, c’est quoi ?

MS : Du sens, justement. C'est en tous cas ce qui me porte à écrire. Chercher à donner un peu de sens, de beauté.

CL : Du sens ? Un roman, ça a du sens, un tableau, ça a du sens et de la beauté. Mais ça reste dans une bibliothèque ou dans un musée. La chanson, c’est quoi le plus qui fait que tu écris des chansons, pas des bouquins ? Qu’est-ce qui motive ce choix ?

MS : Probablement parce que chanter est en moi une chose naturelle. Je ne viens pas d'une famille à la fibre très artistique, mais à 5, 6, 7 ans, je chantais. J'étais dans la famille le môme qui chante.

CL : Tu insistes sur le « sens » des mots dans une chanson. Est-ce que les mots ne peuvent pas être seulement le support tangible d’une émotion procurée par une mélodie et une voix ? Je pense là à « Folklores Indigo ».

MS : "Folklores indigo" est pourtant une chanson dont je peux donner le pourquoi et le sens de chaque mot. Je n'ai pas joué sur les sonorités et les images au détriment du sens. Mais c'est vrai que contrairement à ma démarche habituelle je n'ai pas absolument cherché à mettre ce sens au premier plan. On peut s'en saisir ou "se contenter" de l'émotion procurée, pour reprendre ton expression.

CL : Tu te classes dans quelle catégorie : la chanson à texte, la chanson à musique, la chanson engagée, la chanson dégagée, la chanson poétique, la chanson à voix, la chanson légère, la chanson grave ?

MS : Ah ah !… La chanson à paroles et musique ! Si je n'écrivais pas, je ne composerais ni ne chanterais. Le texte - le sens - est donc à la base de ma démarche. En même temps, je crois que le plaisir d'écoute d'une chanson nous vient d'abord de la musique. Elle est un peu la locomotive sans laquelle les wagons chargés des mots les plus beaux auront un peu de mal à rejoindre leurs destinataires. J'attache donc beaucoup d'importance à la mélodie.

CL : Et le plaisir de chanter ?

MS : Il est à la source de ma démarche, et toujours présent. Si je ne chantais pas, j'écrirais sans doute autrement, dans un autre format.

CL : Dans ma liste, J’ai oublié la chanson d’humour : c’est ton truc, ça ?

MS : Y a quelques temps un copain m'a fait remarquer qu'il y avait assez peu d'humour dans mes chansons. Disons que ce n'est pas mon cœur d'ouvrage en chanson. J'en ai écrit quelques unes, mais plus pour la scène, et elles n'ont jamais trouvé leur place sur un album. Deux quand même, sur le nouveau.

CL : Tu as déjà fait trois albums en peu d’années : tu écris beaucoup et/ou vite. Tu écris comment ? On dit que tu prépares un nouvel album.

MS : Je n'écris ni beaucoup ni vite. Mais comme je travaille beaucoup, ça donne assez vite quand même quelques chansons. Du coup, le quatrième album est déjà là, depuis janvier 2008. "J'écris comment ?" : laborieusement, en même temps dans le plaisir.

CL : Dans ce numéro de Reims Oreille, tu nous proposes une rubrique « contre-pied ». Tu peux nous expliquer ?

MS : J'ai d'abord vu passer une offre d'emploi de pigiste pour le journal "Reims Oreille".

Rapidement, l'idée m'est venue d'une proposition de rubrique intitulée "Contre-pied".

A la base, un constat personnel : Les chansons, par leur format, courent quelquefois le risque de pas mal de raccourcis. Selon leur thème et son traitement, elles peuvent au final n'être que des flashs qui éblouissent plus qu'ils n'éclairent. En tout cas, c'est ce que je ressens parfois. La rubrique "Contre-pied" se propose donc d'éclairer un peu différemment, selon mon point de vue, le texte d'une chanson. J'insiste sur le terme "éclairage". Il ne concerne que les idées. Il ne s'agit pas d'être polémique ou pamphlétaire vis-à-vis de leurs auteurs. Le rédac chef a accepté ma proposition.

CL : Et à part la chanson ?

MS : J'ai trois femmes à la maison, essentielles. Des bouquins, indispensables. Pas du tout spécialiste et pas assez riche pour avoir une cave, mais bon amateur de bon rouge.

Puis la vie, magnifique, même et surtout sans palace quand on a au moins et déjà la chance d'être en bonne santé.

CL : Sur ton dernier album, tu rends hommage à Ray Charles et Cassius Clay, deux noirs américains : c’est le hasard ?

MS : Oui. J'avais même pas remarqué.

CL : Qu’est-ce qui te pousse à écrire une chanson comme « Ali bouma yé » ?

MS : D'abord le personnage Mohammed Ali, et ce combat mythique de Kinshasa où personne ne donnait cher de sa peau face à Foreman, un vrai bûcheron des rings. Et au final la victoire de l'intelligence d'Ali sur la force pure de Foreman. Ça c'est pour le sens ! Après, mélodiquement, rythmiquement, au niveau du texte, du climat à créer, il me semblait qu'y avait matière à bonne chanson. Avec en plus un joli titre.

CL : Tu as écrit « Engagé », chanson dans laquelle tu parles de l’engagement de l’artiste de façon un peu critique et caustique. Une chanson comme « Babouchkas », tu la ressens comment aujourd’hui dans une France qui chasse les sans-papiers ?

MS : C'est une question infiniment complexe, et c'est justement le côté simpliste des réponses apportées par certains artistes, mais pas seulement, qui me pose parfois problème. Pour te répondre, je suis vraiment le plus heureux des hommes si tous ceux qui veulent venir en France peuvent y être accueillis pour y vivre dignement, eux et leur famille. Il semblerait que ça ne puisse pas se faire de manière aussi idéale. On peut faire du bruit pour s'en insurger longtemps. On peut faire, et moins de bruit.

CL : « Entrer en scène », ça donne à l’auditeur spectateur un bon aperçu de ce que peut ressentir l’artiste dans ces moments-là. La scène, c’est pour toi aussi important que l’écriture ?

MS : Je ne crois pas. J'y prends beaucoup de plaisir, mais je ne suis pas d'abord un homme de scène. Juste parfois un homme sur scène.

CL : As-tu une chanson que tu regrettes et une chanson que tu places au-dessus des autres ?

MS : Que je regrette, non, aucune. Des insatisfactions parfois, a posteriori, sur les arrangements. Sinon y a quelques chansons qui sont la raison pour laquelle je fais des chansons. Le noyau du répertoire. « Berlin », par exemple, sur le nouvel album.

CL : Je voudrais te prendre à contre-pied avec la chanson « Le ciel a mal » de Bob de Guardia, que tu reprends sur ton avant-dernier album. Si je résume sans me tromper sur le « sens », elle fait l’apologie de la vie à la campagne beaucoup plus belle que la vie en ville. Et il conclut en souhaitant que son enfant jamais ne connaisse la ville. C’est pas un peu égoïste, ça ? C’est le béton qui rend l’homme mauvais, mais qui fait le béton ? Et Dieu dans tout ça, il ne serait « responsable » que du beau ?

MS : Beaucoup de questions dans ton contre-pied ! C'est d'abord une chanson qui s'adressant à un enfant s'adresse également à tous les autres. Ensuite, la conclusion n'est pas le refus de la vie en ville. "Quand les raies de vigne auront quadrillé ton cœur … Tu pourras quitter la demeure". Tu iras en ville si tu veux, mais en sachant distinguer toutes les lumières, celles du printemps et celles du Printemps Haussmann. Ce n'est pas l'un contre l'autre, mais juste un équilibre, à tous les sens du terme, que le seul béton ne permet pas toujours d'atteindre. Dieu dans tout ça ? Tout ça en Dieu.

CL : La Normandie, ça représente quoi pour toi ?

MS : Un endroit où je me sens un peu chez moi, du côté d'Arromanches notamment, bien que n'en étant pas originaire.

CL : Tu sembles avoir une certaine admiration pour tous les métiers « manuels », ces métiers d’artisans. Te sens-tu artisan de la chanson, un artisan de l’écriture ?

MS : Je suis en effet très admiratif des gens dont on dit qu'ils ont de l'or dans les mains. J'ai même un plaisir épidermique à les regarder travailler. A pouvoir choisir un métier, j'aurais choisi luthier. Mais je n'ai vraiment pas ce don. Artisan de l'écriture, j'essaye.

CL : Ça « prend du temps à aimer » ses proches ? Les autres ? C’est difficile, voire impossible ?

MS : C'est assurément pas toujours facile. On a quand même je crois une certaine tendance naturelle à se préférer. Mais faut sûrement pas désespérer. De rien ni personne.

CL : Le dernier album s’appelle comment et il date de quand ?

MS : "Lignes de partages", sorti en janvier 2008.

 

 

 

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Thomas Pitiot

   

Ça y est, j’suis bon pour le portrait de mon copain Pitiot (on m’a demandé). Pas fastoche, j’vais pas l’descendre, il m’aime bien (enfin il aime bien quand je lui dis que j’l’admire). J’vais pas non plus l’encenser, c’est pas l’genre de la maison. Alors quoi, j’vais pas m’ débiner style « z’avez qu’à écouter » ça s’fait pas.             

              Allez, c’est parti : Thomas Pitiot : 6 milliards d’habitants, capital « pas d’accord »

              N’écrivez pas pour la faute à « capital », c’est pas une faute, c’est exprès pour dire à quel point ce gars-là emmerde ceux qui disent que certains mots n’ont pas leur place dans les chansons.

  C’est ça, la bouffée d’air frais de Pitiot : faire des chansons avec des mots qu’on essaie de nous faire oublier.

  Des mots pourtant pas compliqués comme lutter, souffrir, injustice, libéralisme, comprendre… Parce que si on les jette ces mots-là, c’est un sacré paquet de gens qui perdent leur place dans nos chansons, non ?

  Des mots dont Delerm (le fils) vous dirait (en se pinçant le nez) qu’ils ont été tellement galvaudés que maintenant ils sentent mauvais, qu’il vaut mieux les laisser aux politicards (je vous fais pas la moue qui accompagne le mot), et que le mot des poètes, c’est le verbe aimer.

  Comme si le verbe aimer ne s’accommodait pas de ces vocables qu’on nous fait passer pour archaïques.

  Comme s’il fallait choisir entre les chansons d’amour et les chansons (comment qu’il faut dire, on n’ose plus) engagées ? sociales ? politiques ? de combat ?

  Comme si parler de la vie, c’était forcément chiant.

  Comme si la poésie la vraie, c’était celle qui se regarde le nombril, en riant joliment et complaisamment de nos petits travers de porcs, ou de nos petits bobos de bobos.

  Ben les gars, écoutez Pitiot ! Pis dépêchez-vous, y a du boulot !

  Vous verrez si c’est vulgaire de parler des prolos et des immigrés. Faut reconnaître, depuis Béranger, ça manquait un peu, non ?

  Vous verrez si y a pas moyen de parler de l’Afrique autrement que comme les catalogues de voyages organisés.

   Je dis pas que j’aime tout  (ça y est, je m’autorise le règlement de compte) :

1. Je lui ai jamais dit, mais des fois ses jeux de mots à deux euros, on les voit un peu venir de loin (et ça, chez Télérama ils supportent pas).

2. Y a son côté bien élevé aussi qui m’énerve. Ce côté « jamais je trahirai ma famille, je leur dois tout, je continue le chemin tracé par Papa et Maman, je suis pas un rebelle bourgeois, je respecte les anciens… »

3. Et pis aussi, des fois, il m’énerve parce qu’il dénonce pareil le libéralisme, la cruauté du capitalisme mondialisé et les vilaines manières d’un torero ou d’un concurrent du Paris Dakar. Thomas, si je puis me permettre, t’es jeune, t’as pas de pensions alimentaires à payer, alors laisse la corrida et le Dakar à Renaud, pour améliorer sa retraite. !

 

  N’empêche, écoutez comme il aime les gens (ça aussi ça me gonfle, mais j’ai vérifié, c’est sincère, en tout cas, vachement bien imité), les immigrés, bien sûr, mais même les femmes et surtout celles qui se laissent pas faire (ouais, il aime bien quand ça résiste).

  Écoutez surtout, dans son dernier album « Griot », la chanson « Un rêve sans étoiles », un sommet !

  La violence des banlieues, traitée avec justesse et justice, presque une explication, mais où chaque lettre est pesée, pour mieux nous affranchir des fausses larmes et des intérêts vicelards.

  Ce gars est une conscience joyeuse et généreuse, et ça, ça énerve, un peu.

 

  En plus, question musique, ça cherche pas vraiment la mode, en tout cas pas celle d’ici et de maintenant. Je saurai pas bien vous dire, j’y connais pas grand-chose, mais ses influences, il va les chercher bien plus loin qu’à la frontière belge. La musique  mandingue le rend complètement maboule (c’est lui qui le dit et c’est un peu facile), la variété urbaine d’Afrique de l’ouest aussi (et là, j’aime un peu moins), c’est de la chanson française, d’accord, mais française du monde. Ben voyons, pourquoi pas intersidérale tant que t’y es ?

 

  Je vous le dis, sous ses airs de gentil, généreux, solidaire et avenant, Thomas Pitiot, c’est rien qu’un prétentieux qui ne pense qu’à exacerber les jalousies...

  … et ça marche !!!!!!!

 

Hervé Akrich

 

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Les Maracasse Pieds

 

 

 

CL : C'est qui, c'est quoi, pourquoi les Maracasse-Pieds ?
Marine : Les Maracasse-pieds c'est de la "chanson pas pareille avec bric à brac instrumental"... On est cinq d'jeunes et on s'est tous rencontrés entre les murs du très sérieux Conservatoire de Reims. On a eu envie de s'amuser un peu et la chanson est devenue notre terrain de jeu...

CL : Est-ce que tu veux dire par là que la chanson n'est pas une chose sérieuse ? 
Marine : Euh... Disons que chez nous c'est parfois sérieux dans le fond, mais jamais dans la forme !

CL : C'est quoi pour vous la chanson à texte ?
Marine : Ola lala... Je pense qu'on ne s'est jamais trop posé la question, on dit les choses qu'on a envie de dire au moment où on a envie de les dire...
Pour ma part je ressens ça comme un besoin de partager des choses avec les gens, j'aime sentir que l'on se comprend sans en dire trop, partager une même émotion en évoquant certains sujets sensibles ou se reconnaître mutuellement dans une situation comique de la vie quotidienne. C'est un plaisir qui n'est possible qu'à travers l'autre...

CL :  Lucie, qui signe avec toi la plupart des chansons, a son univers bien à elle, toi aussi. Comment vous retrouvez-vous pour que la sauce prenne ?
Marine : C'est une alchimie qui ne s'explique pas, nous avons des influences et des goûts différents. Chacun y met un peu de soi et ça donne du maracasse-pieds !

CL :  Tu peux nous dire deux mots de votre Maracassette ?
Marine : Ouah ! Trop cool ! Un espace de pub ! Alors, messieurs, dames, "la Maracassette (sauf que c'est un CD)" est en vente chez le disquaire indépendant Undergroung, à la Cartonnerie et bientôt à la FNAC, si le rayon autoproduction subsiste... 
C'est un produit fait maison, enregistré par nos soins, en partie chez moi, en partie au Conservatoire. On en a profité pour exploiter à max tout le bric-à-brac instrumental qu'on a pu trouver à droite à gauche, on s'est fait plaisir, même si les derniers délais de pressage ont été un peu stressants !

CL : Vos références, c'est qui ?
Marine : Alors là, on te répondrait tous quelque chose de différent ! Julien, ses références, ça serait du genre Jim Morrison ou Ray Charles, alors qu'Alexandra n'a d’yeux que pour Edith Piaf ! C'est très divers.

CL :  Et, dans ce qu'on appelle la nouvelle chanson française, ceux qui vous parlent, c'est qui ? Gérald Genty, avec qui vous avez fait la Cartonnerie, fait partie de vos "modèles" ?
Marine : Ah, oui Gérald, c'est mon chouchou ! Pour moi, c'est effectivement un modèle, j'admire toute la subtilité et la sensibilité qu'on peut trouver derrière son humour décapant. Mais sinon il y a aussi Jeanne Cherhal (pour sa folie), Alexis HK (pour sa poésie), Sanseverino (pour sa pêche), Agnes bihl (pour sa plume aiguisée), Benabar (pour son humour)... Ça, c'est en gros ceux sur lesquels on s'accorde tous, mais il y'en a bien d'autres !

CL : Pourquoi quatre filles et un seul garçon ?
Marine : Parce qu'il fallait être au moins quatre nénettes pour réussir à attirer le très demandé Julien Lemoine dans notre aventure !

CL :  Vous n'êtes pourtant pas tendres avec les mâles dans vos textes : il ne se révolte jamais ?
Marine : Si, si... Il essaie... mais il nous aime trop, il craque le premier !


CL : Quelques mots sur François Eberlé sans être lèche-cul ?
Marine : Ah... désolé, mais impossible de ne pas fayoter ! François, c'est notre maître spirituel, c'est un exemple de tolérance et de liberté en musique. Il nous a à tous permis de nous découvrir nous-mêmes, de nous accepter, d'assumer nos choix artistiques. Perso, si je n'avais pas croisé sa route, je n'aurais certainement jamais cru en mon éventuelle capacité à chanter et j'aurais été très malheureuse !

CL :  Tu veux dire que François représente la tolérance dans une maison qui n'est pas de tolérance ? Gainsbourg parlait  d'art mineur  à propos de la chanson  : qu'en  penses-tu  ?
Marine : je ne suis pas d’accord avec Gainsbourg ! Je trouve que le mot "art" est un peu prétentieux, mais que la qualifier de "mineure" c'est bien oublier tout le pouvoir qu'une chanson peut avoir.  Pour ce qui est de la tolérance du public, on a plus d'une fois été surpris d'être écoutés et respectés par un public de rock, de metal ou d'électro. On a vécu grâce à la chanson beaucoup plus d'expériences de tolérance qu'avec n'importe quoi d'autre... Mais on est jeunes et naïfs, tant mieux !

CL :  Pourquoi veux-tu que je te pose des questions farfelues  ?
Marine : Ouaurrrg, parce que tu me fais trop cogiter avec les autres, c'est pas bon pour la santé !

CL :  Comment vous vois-tu dans dix ans  ?
Marine : Dix ans, c'est bien trop loin... On essaie de pas trop y penser. La chanson, c'est pas ce qu'il y a de plus rassurant en terme d'avenir !

 

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Pascal Rinaldi

- RO : Pascal, tu seras notre premier invité Reims Oreille de la saison 2008-09, le 27 septembre au Théâtre de l’Albatros. La scène, pour toi, c'est important ? C'est comment et c'est avec qui et quoi ?

- P : Oui, la scène est très importante et fait partie de mon équilibre. Le travail d'écriture, de composition et d'arrangement étant très intérieur, voire autiste, j'ai besoin de la scène pour faire parler mon clown, révéler cette autre facette de moi, qui aime communiquer, partager. 
Quelqu'un a dit que j'étais une luciole : discret le jour et complètement allumé la nuit. Je m'y retrouve assez. Et puis le plaisir d'être avec des musiciens, et qui me le rendent bien.
Les chansons sur disque sont souvent très arrangées, alors sur scène j'aime aller à l'essentiel en ne gardant que ce qui fait l'âme de la chanson. Une orchestration épurée, ma guitare, un accordéon, et maintenant un violoncelle. Auparavant j'ai joué longtemps avec un groupe plus nombreux, mais j'ai redécouvert le plaisir de la simplicité musicale sur scène, et surtout c'est plus facile pour se déplacer et s'exporter. Nous avons tourné pendant plus de deux ans avec Olivier Forel à l'accordéon, mais pour ce nouveau spectacle il y a la fraîcheur en plus d'une charmante violoncelliste, Sara Oswald. Que du bonheur.

 - RO : Tes influences musicales, tu les définis comment ?

- P : Ma culture musicale, au départ, a été le folk, la protest-song et la guitare employée dans ce genre de chansons (Dylan, Cohen, Joan Baez, Simon and Garfunkel). J'écoutais les disques de mon grand frère, donc une culture musicale plutôt anglo-saxonne. 
La chanson française j'y suis venu plus tard par évidemment Brassens, Brel et surtout Ferré, et Dick Annegarn qui maniait la guitare et la langue française d'une manière tout à fait étonnante et novatrice. A vrai dire, j'écoute plus de musique étrangère et anglo-saxonne que de chanson française. Quand je veux me faire plaisir je me mets un bon Tom Waits ou du Björk… et Ferré. Actuellement j'aime bien beaucoup de choses en chanson française, mais il n'y a rien qui me transporte aux nues. J'ai découvert récemment Daphné qui me plait beaucoup.

 - RO : Tu commences ton dernier album par une reprise de Ferré. Pourquoi ?

P : Pour moi "la mémoire et la mer" est une des plus belles, des plus mystérieuses et envoûtantes de la chanson française. Dès mon adolescence, lorsque j'écoutais cette chanson, et une grande partie du répertoire de Ferré, j'étais dans tous mes états, mes états de poésie, transporté par la luminosité magique et la fluidité des mots et des images de Ferré. Même sans tout comprendre à quoi il fait référence, mais simplement se laisser transporter, chavirer.
De plus, et c'est involontaire de ma part, beaucoup de mes chansons font référence à l'élément aquatique sous toutes ses formes. Cette chanson, la mémoire et la mer, m'a paru évidente à l'ouverture de mon album. Pourtant j'ai longtemps hésité avant de la reprendre, tant mon estime pour Léo Ferré est grande. Alors il fallait que j'y trouve une forme, une manière de faire qui ne trahisse pas et ait du sens pour moi. Je me suis fait un play-back sommaire que j'ai emporté avec moi en Bretagne sur un petit lecteur MP3, et à l'aide d'un enregistreur portable j'ai enregistré ma voix le soir tombant, à la marée montante, les pieds dans l'eau à quelques kilomètres de l'endroit (l'île du Guesclin) où Léo Ferré a écrit cette chanson.

 - RO : Tout en étant toujours aussi musical, j'ai l'impression que tu joues plus avec les mots qu'avant ?

- P : J'ai toujours aimé les mots, leurs sens, leurs doubles sens, et surtout la force évocatrice qui se cache derrière et souvent de manière inconsciente. Je suis un intuitif et très peu analytique. 
La plupart de mes chansons naissent d'un sentiment trouble qui surgit de mon magma intérieur. Et je laisse monter les mots comme ils viennent. Je les prends et les rejette quand ils n'ont pas la taille. De plus, souvent, ces mots-là ont déjà une musique à l'intérieur, je ne dissocie pas trop les mots et la musique. On dit, par boutade, que Beethoven était tellement sourd que toute sa vie il a cru qu'il faisait de la peinture. En écrivant des chansons j'ai l'impression de poser des couleurs pour en faire des images.

 - RO : Comme pour « des billes et des balles » ?

- P : C'est une chanson qui , sous une apparente légèreté, due justement au jeu des sonorités, au plaisir de jouer avec les mots, cache un sens assez grave finalement, voire désillusionné. C'est une forme de distanciation qui tranche avec une chanson comme "il faut qu'on s'touche" qui est carrément à fleur de peau, chirurgicale. 

 - RO : Dans une chanson comme "la guerre de toi", c'est les mots ou le jeu avec les mots qui engendrent le propos ou l'inverse ?

- P : Là encore j'ai de la peine à dissocier les deux. Les mots sont venus comme un jeu pour souligner des circonstances particulières de ma vie. En fait je l'ai écrite d'abord au féminin et cette chanson m'était adressée. Je ne l'ai pas chantée avant longtemps car je l'avais proposée à Maurane qui n'a jamais pris le temps de l'écouter, en me disant qu'elle avait dans ses tiroirs plein de chansons de Goldman, de Cabrel en attente. Dommage car j'étais persuadé qu'elle lui irait très bien. Depuis d'autres l'ont chantée, mais dans sa version masculine. Et j'ai fini par me la réapproprier.

 - RO : La chanson suisse, je trouve qu'elle se porte plutôt bien. Tu seras notre deuxième Suisse à Reims Oreille et on aura Sarclo en  mars 2009. Tu te situes où dans ce groupe ?

- P : Je suis d'une entre-génération (où il ne se passait pas grand-chose) entre Bühler, Auberson, Sarclo et les nouveaux venus ( K, Kissling, Romanens, Simon Gerber). Du coup je me suis senti un peu isolé et n'appartenant à aucune "bande", mais ça ne me dérange pas, même que j'aime ça "voyager en solitaire", bien que je sois très partageur et que je multiplie les expériences de groupe. 

- RO : « Vieillir, mourir, aimer », c'est ton trio infernal  ou paradisiaque ?

- P : Ni infernal, ni paradisiaque, mais totalement terrestre et humain. Plutôt que Liberté, Egalité, Fraternité (qui sont bien souvent bafoués), au fronton des mairies on ferait mieux d'écrire Aimer, Vieillir, Mourir, parce que finalement c'est ça qui est réellement démocratique et égal pour tous les Hommes. 

- RO : Et la mort, tu l'emmerdes... pour cacher ta peur ou ton amour ?

- P : Emmerder la mort, c'est la seule attitude raisonnable face à ce qui est inexorable. La mort nous entoure, fait partie de notre quotidien, fait disparaître nos proches et nos lointains. Elle nous déchire souvent, de plus en plus souvent. Alors essayer de ne pas en avoir peur est la plus grande sagesse qu'il nous faut acquérir. C'est écrit partout "fumer tue". On le sait, et alors ? on continue, on joue avec et on lui fait un doigt d'honneur jusqu'au jour où... Le sexe et la mort sont intimement liés, nous obsèdent, mais c'est ce qui nourrit le plus souvent mon inspiration.

 - RO : Les « 40èmes rugissants », c'est pour moi la chanson qui m'a fait découvrir Pascal Rinaldi. Elle est importante pour toi ?

- P : Oui, elle est importante dans le sens où c'est à partir de l'album (Le diable par la queue) sur lequel elle figure que j'ai sérieusement commencé à écrire et à explorer l'intime, jusqu'à en être parfois impudique. Est-ce dû à ce que l'on appelle la crise de la quarantaine ? Sûrement. Mais le plus étonnant, c'est à partir de là que j'ai senti un réel écho dans le public. En parlant de moi, de mon intérieur les gens s'y retrouvent souvent, alors que cela aurait pu paraître nombriliste. Je ne savais pas les gens aussi torturés que moi. 

- RO : Le toucher est un sens qui occupe une place importante dans tes chansons. Pourquoi "faut-il qu'on s' touche" ?

- P : Cette chanson est très importante pour moi. Beaucoup y voient une connotation sexuelle. C'est vrai en partie, mais le propos principal est que durant notre vie on passe à côté de plein de choses à ne pas oser montrer son affection par pudeur ou par convention. Et quand les gens disparaissent, c'est déjà trop tard. Cette chanson a surgi comme une fulgurance alors que j'accompagnai mon père à l'hôpital pour une radiothérapie, peu de temps avant qu'il meure. Dans la voiture, en conduisant, je lui ai pris la main. Et c'est tout. 

- RO : As-tu toujours cet "inconsolable besoin de consolation" ?

- P : C'est important pour moi, je crois que c'est la source de la création. Il existe un paradis perdu dont on se souvient de manière subconsciente et qui fait un tapis de nostalgie. Je crois que l'acte créatif est en grande partie fait de ça, que ce soit la musique, la poésie, la peinture, la danse, la photographie et tout ce qui crée en nous des émotions. Les artistes sont les relais avec cet invisible qui nous habite. 

- RO : L'amour t'inspire souvent, mais tu as une façon assez personnelle d'aborder le sujet.

- P : C'est vrai que je n'ai pas, que je n'ai plus, beaucoup de chansons socialement "engagées" ou de chroniques de la vie quotidienne. Je laisse ça à d'autres qui savent mieux le faire. Mais ce n'est pas tant l'amour qui m'inspire, mais la relation avec l'autre et ce que ça soulève en moi. Et le désir, le désir permanent comme moteur pour vivre, avec ses exaltations, ses tensions et les problèmes qu'il soulève…

 - RO : Dans une de tes chansons, du dis : « Des lettres, pas de caractère » ?

- P : Un jeu de mot à la con, mais qui m'amusait. J'ai une formation de libraire et ai toujours été attiré par la littérature. On peut vivre sa vie par procuration à travers les livres. C'est ce qui m'a inspiré pour cette chanson. 

- RO : « Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire » ?

- P : J'ai ce désir de transparence, de vérités, mais je me rends compte que c'est compliqué à vivre, pour les autres, les proches surtout. ça déstabilise, désécurise de voir au milieu de moi ces sables mouvants, ces marécages où se bousculent désirs et sentiments. Alors au mensonge je préfère le silence et préconise le jardin secret où je distille mon absinthe, et je n'aime pas qu'on vienne y tailler mes roses. Pas facile n'est-ce pas ? 

- RO : Qu’est-ce qui t’a fait et te fait chanter ?

- P : C'est salutaire et égoïstement thérapeutique. Écrire et chanter, ça me maintient en équilibre. Si je n'avais pas la chanson pour exprimer mes doutes et mes troubles, j'aurais certainement bousillé ma vie ou serais un excellent client des psys de toutes sortes. Mais j'ai la chance de pouvoir le faire, et surtout d'avoir une compagne qui encaisse et me supporte.

 

 

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  Claude Ogiz

 

- RO : Tu sors un nouvel album en septembre prochain. Le précédent datait de quand ?

- Claude Ogiz : Il date ! De 1980 ! Et il avait été long à naître. A cette époque je vivais en Dordogne. Je cherchais des musiciens pour faire ce disque. Hasard, un copain me dit avoir un beau-frère qui joue dans un groupe. Le groupe c’était «Week-end millionnaire», c’est à dire 4 musiciens qui faisaient plutôt du studio dans la région parisienne et qui avaient envie de faire autre chose. Jean-François Gauthier à la batterie, Jean-Pierre Pichot, basse, Lance Dixon, piano, sax et Michael Jones aux guitares. A la fin, pour des questions de dates et  de disponibilités, Michel Valy a remplacé Pichot pour les séances de studio… Une belle aventure. Des répétitions en pleine nature, jusque tard dans la  nuit, avec pas mal de bouteilles et de rires. Et au final, un disque dont j’arrive à réécouter quelques plages sans déplaisir…

 

 - RO : T'es un peu un chanteur énervé malgré ta sagesse apparente. Qu'est-ce qui te met dans cet état aujourd'hui ?

- C. O. : Énervé ! comme tu y vas… Écoeuré, plutôt, et vachement inquiet. Pour les jeunes qui viennent derrière nous. Les problèmes d’eau, d’énergie, d’espace, de surpopulation. Surpopulation qui sans doute est l’origine des autres problèmes…

Mais nous, on vit comme si de rien n’était, en repoussant toujours le bouchon un peu plus loin. Dans nos sociétés riches, globalement, à force de spolier le reste de la planète, on se permet une manière de vivre inconséquente, encouragée par tous les acteurs économiques, par les acteurs politiques asservis aux forces économiques, par les medias, qui doivent pour survivre caresser la pub et les politiques dans le sens du poil… Vivre